De notre correspondante à Santiago du Chili,
Les associations qui militent pour la santé sexuelle sont catégoriques : cette hausse est liée principalement au manque criant d'éducation sexuelle au Chili. Aujourd'hui, il n'existe pas de politique publique en la matière, à tel point qu'en pratique, les établissements scolaires ne sont pas obligés d'éduquer, d'informer et de sensibiliser les élèves à la sexualité et aux maladies sexuellement transmissibles.
Sur près de 11 000 collèges et lycées publics à travers le pays, moins de 500 ont bénéficié d'un programme d'éducation sexuelle en 2012 et il s'agissait parfois d'un enseignement religieux, prônant par exemple l'abstinence. Pour les associations, il est donc urgent de mettre en place une éducation sexuelle laïque et obligatoire, car l'épidémie toucherait près de 70 000 personnes aujourd’hui sur 17 millions d’habitants, et les cas de syphilis sont eux aussi en forte hausse.
Une problématique ancienne
Le problème n'est pas vraiment nouveau : dans les années 60, l’un des premiers à développer l’éducation sexuelle au Chili est le président démocrate-chrétien Eduardo Frei Montalva, suivi par le socialiste Salvador Allende. Mais à la suite du coup d'Etat militaire du général Pinochet en 1973, tous les documents liés aux programmes d'éducation sexuelle sont détruits.
Ce n'est que dans les années 1990, après le retour à la démocratie, que de nouvelles initiatives sont lancées. Pour autant, le sujet reste hautement sensible, et l’Eglise, très influente au Chili, a souvent tenté d’empêcher les avancées en la matière. Plusieurs gouvernements ont tenté de développer et de rendre obligatoire l'éducation sexuelle, sans succès pour l’instant.
Des mesures gouvernementales à venir
Le gouvernement n’a pas encore annoncé toutes les mesures qu’il va prendre, mais il souhaite notamment développer la prévention, et accélérer le dépistage, en augmentant le nombre de tests rapides disponibles, et en les rendant plus accessibles aux jeunes notamment.
Les associations saluent ces annonces, mais attendent de voir, car tout cela ne sera suffisant que si ces mesures sont mises en oeuvre de manière coordonnée, et avec une politique d’éducation sexuelle laïque et de long-terme. Elles s'inquiètent aussi d'une proposition de loi déposée par des députés du parti ultra-conservateur UDI, l’Union démocratique indépendante, qui fait partie de la coalition de droite au pouvoir.
Ces députés veulent pénaliser les porteurs du VIH qui transmettraient « intentionnellement » disent-ils, le virus à leurs partenaires. Les associations craignent une forme de « chasse aux sorcières » contre les malades, à l'heure où près de 40 000 personnes sont porteuses du VIH au Chili, sans le savoir.