Large sourire, sous une longue moustache argentée, Bertrand Cadart pose volontiers à côté de son imposant « scooter de fonction », gris métallisé. Depuis 2007, ce Français de 62 ans est le maire de Glamorgan Spring Bay, une communauté de communes de 5 000 habitants sur la côte-est de la Tasmanie d'une superficie de 4 000 km², l'équivalent du département français de la Corse-du-Sud. Après une trentaine d'années passées en Australie, il s'est installé il y a une décennie, à Bicheno, un petit village de pêcheurs.
Mais c’est d’abord le motard invétéré qui a été conquis par cette région. « Quand je suis arrivé ici, j'ai découvert que sur les routes, il n' y avait quasiment pas de lignes droites, pas de circulation et très peu de policiers. Pour un motard, c'est le paradis ! », se souvient-il. C'est pourquoi l'une de ses premières décisions d'élu a été de troquer la voiture de service pour un deux-roues. « Les membres du conseil municipal trouvaient que ça faisait mauvais genre », se souvient-il. « On a trouvé un compromis avec un scooter de 600 centimètres cubes », un monstre mécanique « sous stéroïdes » qui peut monter jusqu’à 200 km/h.
Pouvait-il en être autrement pour ce « petrol-head », qui a croisé en 1978 George Miller, le réalisateur du film culte Mad Max ? « Pour ce film auquel personne ne croyait, il m'a demandé de customiser les motos du film pour leur donner un look post-apocalyptique », se rappelle l'élu, alors spécialisé dans le carénage. Il obtiendra même un rôle, celui de « Clunk », un motard simple d'esprit membre d'un gang rival de Mel Gibson, l’acteur principal, devenu une star mondiale grâce à ce long métrage.
Trente ans plus tard, Bertrand Cadart affirme que sa « moto de fonction » n'est pas un caprice, mais une nécessité. « Mon travail m'appelle à faire près de 30 000 kilomètres par an », indique-t-il. « Autant prendre son pied en scooter, d'autant que cela fait de moi un meilleur maire !, ose-t-il. En scooter, je suis plus enclin à me déplacer, ce qui me permet d'être plus proche de mes administrés ».
Trois ans après, ces derniers se sont habitués à le voir arpenter les routes tasmaniennes dans son coupe-vent jaune fluo. Et il est manifestement apprécié, puisque ses chances d’obtenir un troisième mandat de deux ans au mois d’octobre sont solides. En tous cas, dans le local de la RSL (Returned and Services League) de Bicheno, l'association des anciens combattants, on connaît bien Bertrand Cadart, puisqu’il en fut pendant un an le président. Et parmi ces retraités, on estime que le frenchie a su mettre son exubérance au service de la communauté.
« Avec son allure, c'est sûr qu'on le reconnaît de loin, s'amuse Ron, un Tasmanien pur jus. Mais depuis qu'il est maire, on n'a jamais autant parlé de Bicheno dans les médias ». Ce qui est capital pour la petite commune, qui vit principalement du tourisme. « Pour moi, la vie politique est un cirque, confiait-il à la chaîne française RFO, qui lui a consacré un reportage. Alors quand on me dit que je m'habille comme un clown, je le prends comme un compliment ! », sourit-il.
Et ça marche. Le « French Mayor », avec son accent à couper à la hache, séduit la presse australienne. Mais derrière ce personnage de trublion, Bertrand n'oublie pas son rôle d'élu. A Canberra, la capitale fédérale, ou à Hobart, celle de la Tasmanie, il se bat constamment pour obtenir des subsides pour sa commune. Il a également noué de solides relations avec la Nouvelle-Calédonie, où il a effectué son service militaire et souhaite jumeler la forêt de Weilangta, sur sa commune, avec celle de Tronçais en France (Allier), célèbre pour ses chênes qui servent à la confection des fûts des plus grands crus. Une façon de resserrer les liens entre l’Hexagone et la côte-est de la Tasmanie, qui fut explorée il y a plus de deux cents ans par Louis de Freycinet. Le navigateur a d'ailleurs laissé son nom à la péninsule où Bertrand Cadart a posé ses valises.