Tous les deux ont grandi pendant la Révolution culturelle. Zheng Fanzhi, né en 1964, est devenu le chouchou du marché de l’art. Il expose jusqu’au 16 février au musée d’art moderne de la ville de Paris. Son confrère Xu Hongfei, né en 1963 à Canton et promu comme un artiste officiel par toutes les institutions artistiques de son pays, montre, du 9 au 12 janvier, dans le cadre d’une tournée mondiale, une cinquantaine de ses sculptures au Carrousel du Louvre à côté d’une trentaine d’autres artistes chinois invités à l’occasion du cinquantenaire des relations diplomatiques franco-chinoises. À travers ses sculptures dodues dotées d’humour et de légèreté, Hongfei Xu célèbre les femmes rondes (Chubby Women) sous toutes ses formes. Et pour cela, il s’inspire plus de Rodin et de Botero que de la dynastie Tang (618-907). Entretien.
Qu’est-ce que cela représente pour vous d’être exposé au Carrousel du Louvre ?
C’est un immense honneur. Le Louvre, pour les Chinois cela veut dire tout. Ce sont des œuvres du monde entier qui y sont présentées et en tant qu’artiste c’est vraiment un plaisir de pouvoir présenter mes sculptures au public français.
Au milieu de vos œuvres, vous avez placé une sculpture en bronze aussi monumentale qu’emblématique : Le Baiser.
Je savais que j’allais venir à Paris, la capitale du romantisme, c’est pour cela que j’ai fait un hymne à l’amour, un baiser. Ce couple qui s’embrasse, c’est aussi un message universel, que l’amour est à la portée de tous. C’était pour moi important, d’exposer cette œuvre à Paris, ce baiser entre deux amoureux, de taille et de poids différents.
Dans votre pays, vous êtes un artiste très connu qui a fait une sculpture pour le village olympique en 2008. Comment votre œuvre est-elle répandue en Chine ?
C’est déjà ma cinquième exposition en un an. J’ai exposé aux Beaux-arts de Pékin, je prévois d’aller à Londres en juin et j’ai montré mes œuvres aussi en Sicile en Italie et à Melbourne en Australie. J’aime faire voyager mes sculptures et les partager avec le public dans le monde entier.
Fin janvier débute le cinquantenaire des relations diplomatiques franco-chinoises. L’art français vous inspire-t-il ? Est-ce que votre œuvre a été influencée par un artiste français comme Rodin ou un sculpteur français plus contemporain ?
En tant que Chinois, Rodin a été ma source d’inspiration principale en ce qui concerne les artistes français. En Chine, Rodin est une grande personnalité. Et c’est vrai, sa prise de vue, la qualité de ses œuvres m’inspirent beaucoup. On me compare aussi beaucoup à Fernando Botero [sculpteur colombien, né en 1932, ndlr]. Je m’inspire aussi beaucoup de ce style, de tout ce qui est en mouvement et surtout des femmes enveloppées. J’aime beaucoup varier ce thème autour du sport : on voit par exemple une femme sur un vélo, sur un skateboard… C’est ce genre d’œuvre qui m’intéresse.
Quand on parle de l’art en Chine, on évoque souvent plus la censure que la sculpture. La censure, est-ce que c’est un sujet qui vous préoccupe ?
Je pense que cette idée est dépassée. C’est vrai, dans le passé, il y avait beaucoup d’artistes censurés, maintenant, le gouvernent chinois encourage l’expression artistique. De là, beaucoup Européens et Occidentaux continuent à penser que les artistes chinois n’ont pas d’humour, ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent librement et que la société chinoise est restée très timide. Moi, au contraire, je me sens très encouragé d’aller au-devant et je me permets parfois quelques extravagances, pour le plus grand plaisir du public du monde entier.
Le marché de l’art en Chine explose. Les artistes chinois donnent parfois l’impression de vouloir surtout satisfaire le goût des collectionneurs chinois. Est-ce que vous êtes plutôt un artiste qui cherche à conquérir le marché international ?
Je trouve cela très important de présenter la culture chinoise à l’étranger. À chaque fois, je suis très ému quand, à l’étranger, quelqu’un apprécie mon travail. On parlait de Rodin, qui est très important pour les Chinois. J’espère, un jour, le public français appréciera mes œuvres.
Ici, on est au Louvre. Est-ce que vous savez déjà quelle œuvre en particulier vous voulez regarder dans la collection du musée du Louvre ?
En tant que sculpteur, j’ai ma petite préférence pour l’Égypte et les sculptures égyptiennes et tout ce qui est romain ou grec. Ce qui est important dans un musée, c’est que le public communique avec les œuvres. Au Louvre, c’est une belle réussite. C’est pour cela que c’est un des plus beaux musées au monde. Le public est transporté vers les œuvres.
[Traduction : Cyril Doutre]