De notre correspondante en Australie,
L'annonce de ces libérations a constitué une surprise mais Nauru n'a pas pris sa décision seule. C'est bien le gouvernement australien qui tire les ficelles. C'est Canberra qui finance à coups de milliards ce centre de rétention posé en plein océan Pacifique. Mais officiellement, c'est le gouvernement de Nauru qui examine les demandes d'asile des internés/retenus.
Une grande partie de ces 600 migrants sont enfermés depuis plus de trois ans. Et là, tout à coup, Nauru annonce qu'elle aura fini d'examiner leurs dossiers d'ici la fin de la semaine prochaine, et très probablement, une écrasante majorité d'entre eux obtiendront leur statut de réfugiés et un visa de cinq ans pour rester à Nauru. Ils seront donc libres de quitter le centre de rétention. Mais c'est une libération sans liberté, une solution qui n'est pas viable. Il n'y a pas d'emplois à Nauru, pas de système de soins suffisant. Et l'installation de plus de 600 migrants ne plaît pas forcément aux 9 500 habitants. Deux réfugiées affirment avoir été violées récemment par des Nauruans, deux jeunes hommes, eux, affirment avoir été tabassés.
Quelle destination pour les réfugiés de Nauru ?
Le gouvernement australien l'a encore redit cette semaine : les migrants qui ont tenté de s'introduire en Australie clandestinement par bateau ne poseront jamais le pied dans le pays. Parce que, affirme Canberra, se sont des tricheurs, ils ont essayé de passer avant les autres réfugiés qui, eux, patientent actuellement dans divers camps dans le monde. L'Australie accueillera 12 000 réfugiés syriens cette année arrivés par les voies de migration légales.
Il reste donc deux autres options aux réfugiés coincés à Nauru: ils peuvent demander à être renvoyés dans leur pays d'origine, fût-il l'Irak ou la Syrie. Ou alors, choisir d'aller refaire leur vie au Cambodge en vertu de l'accord passé par l'Australie. Mais jusqu'à présent seuls 4 migrants se sont portés volontaires. Mardi 6 octobre, le ministre de l'Immigration a indiqué que l'Australie menait des négociations avec d'autres pays tiers pour y envoyer ses réfugiés. Mais il refuse d'en dire plus.
La justice s'en mêle
Cette semaine, la Haute Cour, la plus haute juridiction d'Australie, pourrait déclarer illégale - anticonstitutionnelle -, la rétention obligatoire des demandeurs d'asile à l'étranger. Elle examine déjà 200 plaintes de migrants, mais en particulier, aujourd'hui, celle d'une femme du Bangladesh. Or ses avocats ont trouvé un biais inédit : le gouvernement australien n'a pas demandé l'approbation du Parlement quand il a décidé de financer les centres de rétention à Nauru et à Manus. Une erreur qui pourrait pousser les juges de la Haute Cour à mettre un terme à la détention des migrants. Le verdict sera connu au plus tôt jeudi, mais le gouvernement australien prend déjà ses précautions en faisant libérer les réfugiés de Nauru. Même si, officiellement, Canberra affirme que ce n'est qu'une coïncidence de calendrier.