De notre correspondant à New Delhi,
Le discours de l'étudiant Kanahyia Kumar prononcé jeudi 3 mars dernier, quelques heures après sa libération sous caution, devant des centaines d’étudiants réunis sur ce campus de l’université de Nehru, était remarquable, voire historique. Il lui est reproché d’avoir lancé des slogans dits « anti-nationaux », appelant à la libération du Cachemire.
Au terme de trois semaines derrière les barreaux de la plus grande prison indienne, il a répondu sans haine, d’abord en démentant ces accusations, puis en s’en servant pour lancer un appel à la « libération, non de l’Inde, mais en Inde ». « Se libérer de l’oppression des nationalistes hindous au pouvoir qui répriment ceux qui questionnent la politique du gouvernement », dit-il. « Se libérer de la discrimination ancestrale contre les basses castes qui freine leur accès à ces universités ».
Kanhaiya Kumar, libéré mais toujours accusé de sédition
Ce doctorant en études africaines et fils de paysans pauvres a intelligemment démontré que l’on pouvait être critique de la politique nationaliste et anti-pakistanaise de certains gouvernants, tout en défendant l’unité sociale du pays et il a ainsi mis en valeur l’université Jawaharlal Nehru, cette institution de l’enseignement supérieur public, que ses opposants ont cherché à décrédibiliser à travers cette polémique. Les accusations contre lui et d’autres étudiants n’ont cependant pas été abandonnées.
Deux autres étudiants derrière les barreaux, accusés de sédition
En effet, deux autres étudiants sont en détention provisoire pour les mêmes faits supposés de sédition. Cependant, la police semble avoir du mal à prouver la responsabilité de ce groupe. Elle se baserait pour l’instant sur le témoignage de trois gardes qui se sont cependant contredits lors d’un contre-examen. Du reste, il a été prouvé que deux vidéos, présentées comme incriminantes par certains médias, ont été altérées. Des voix ont été rajoutées sur les images.
Une loi qui date de l'époque coloniale
Le gouvernement nationaliste hindou a défendu ces accusations au début et sa position n'a guère changé. La ministre de l’Education, elle même une fervente hindouiste, a également apporté sa caution aux accusations contre les étudiants la semaine dernière devant le Parlement, en se basant sur un rapport interne de l’université.
Le gouvernement a toutefois semblé donner des gages à ses détracteurs, en annonçant -il y a quelques jours- qu’il allait revoir la fameuse loi sur la sédition, un article du code pénal qui date de 1860, ironiquement adopté par les colons britanniques pour réprimer les indépendantistes, et qui, selon la Cour suprême elle-même, est aujourd’hui souvent utilisé pour limiter la liberté d’expression et de critique.