Avec notre envoyé spécial à Ouvéa, Antony Lattier
« Soyons unis, devenons frères », l’hymne calédonien a été chanté face à Emmanuel Macron en hommage aux quatre gendarmes tués.
Puis deuxième temps de recueillement pour les victimes kanakes, sur une grande place verdoyante face à la mer azur. Des chants et beaucoup d’émotion sur les visages, trente ans après. Emmanuel Macron rencontre les familles des victimes. Comme beaucoup, Jeanne est fière de sa présence : « Il est venu en tant qu’être humain aussi. Il n’a pas seulement utilisé le titre de président, mais on voit aussi qu’il a fait les choses avec le cœur. »

On essaye d'avancer avec l'histoire, on ne peut pas l'enterrer.
Le chef de l’Etat français n’aurait pas dû venir, pile le jour anniversaire, regrette pour sa part Léon : « Peut-être demain ou après-demain. Ce serait bon. Les familles sont encore dans la douleur malgré la réconciliation, elles ont toujours quelque chose dans le cœur. »
Devant les stèles, Emmanuel Macron se recueille, en retrait, sans déposer de gerbe. Un geste d’apaisement pour la tribu hostile à sa venue. Quelques dizaines de ses membres ont en effet été bloqués un peu plus tôt par un filtrage de la gendarmerie. « Compte tenu de cette voix dissidente », le président de la République reste de l'autre côté de la route, entouré d'enfants et d'officiels, au moment où les familles des 19 militants déposent, elles, une gerbe sur le mémorial de Wadrilla.

■ Ouvéa, rappel historique
En avril 1988, le contexte politique est tendu en Nouvelle-Calédonie, indépendantistes et anti-indépendantistes s'affrontent depuis plusieurs années.
Le 22 avril 1988, deux jours avant le premier tour de l'élection présidentielle française, des indépendantistes kanaks attaquent la gendarmerie de Fayaoué, sur la petite ile d'Ouvéa. Ils tuent quatre gendarmes et en prennent 27 autres en otage qu'ils répartissent en deux groupes. Le premier est libéré trois jours plus tard, mais le second groupe d'otages est emmené à la grotte de Gossannah, dans le nord de l'île. Le 27 avril, le groupe de négociateurs est lui-même capturé. Seul le chef du GIGN est relâché.
A Paris, la gestion de crise est difficile. Jacques Chirac, alors Premier ministre, doit composer avec le président François Mitterrand qui n'est pas du même bord politique. Le 5 mai, à deux jours du second tour, ils ordonnent un double assaut contre la grotte.
Bilan : 21 morts, deux militaires et 19 Kanaks. Plusieurs d'entre eux, blessés, auraient été retrouvés achevés d'une balle dans la tête. Trente ans plus tard, les familles demandent encore des comptes à l'Etat.