Avec notre correspondante à Moscou, Muriel Pomponne
« Nous n 'avons personne à qui parler », explique le Premier ministre russe Dmitri Medvedev. « Si on considère que des gens qui se baladent avec des kalachnikovs dans les rues de Kiev sont le gouvernement, il nous sera difficile de travailler avec eux (...) Le rappel à Moscou de l'ambassadeur russe en poste en Ukraine indique que nous sommes extrêmement préoccupés par la situation. Il y a une menace contre nos intérêts et la vie de nos citoyens en Ukraine », ajoute-t-il.
Le ministère russe des Affaires étrangères, qui ne cesse de mettre en garde contre l'arrivée au pouvoir d'extrémistes, dénonce également les mesures anti-russes prises par le Parlement ukrainien. Il s'agit notamment de l'abrogation de la loi sur le bilinguisme dans les régions russophones. Sergueï Lavrov demande aussi que soient prises en compte les inquiétudes des élus de ces régions. Il évoque la répression de ceux qui ne sont pas d'accord, via des « méthodes dictatoriales » et parfois « terroristes ». En Crimée en particulier, certains élus ont demandé la protection de la Russie et des milices ont commencé à s'armer contre les « fascistes » de Kiev.
La Crimée n’a été rattachée à l’Ukraine qu’en 1954. Une grande partie de ses habitants, plusieurs milliers, ont la double nationalité, ukrainienne et russe. A Moscou, les députés envisagent de légiférer pour faciliter l'octroi de passeports russes aux Ukrainiens d'ascendance russe. Moscou a aussi les moyens de faire pression sur Kiev par le biais de l’économie. L’Ukraine est dépendante de son grand voisin pour l’approvisionnement en gaz et en pétrole, ainsi que pour l’achat de sa production métallurgique. De plus, l’Ukraine a plus de 3 milliards de dollars de dettes gazières auprès de la Russie.
Le Premier ministre russe s’est engagé à respecter les accords bilatéraux, mais les accords de décembre signés par Ianoukovitch comprenant une baisse du prix du gaz sont limités dans le temps, a-t-il expliqué, et devront être réexaminés. Et le ministre des Finances menace d’augmenter les droits de douane avec la Russie si l’Ukraine signe un accord de partenariat avec l’Union européenne. « Pour nous, l’Ukraine reste un partenaire important », a conclu le Premier ministre. Mais ce partenaire, il n’hésite pas à menacer de l'étrangler s’il venait à trop s’émanciper. Le responsable de la protection des consommateurs parle d'interdire les importations et le transit de nourriture ukrainienne en Russie car les contrôles sanitaires ne seraient plus fiables.
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