Avec notre correspondant à Dublin, Sébastien Duval
Il ne leur reste en fait plus que 48 heures aux Irlandais pour s’inscrire auprès d’Irish Water. C’est cette agence semi-publique qui a été mandatée pour collecter la nouvelle charge sur l’eau. Mais pour l’instant, ils ne sont que 60% à avoir envoyé leur inscription. Le compte est donc loin d'être bon et nombreux sont les Irlandais qui espèrent qu’un mouvement de désobéissance civile permettra de faire plier le gouvernement.
Les premières factures d’eau devraient normalement arriver autour du mois d’avril. « Devraient » car la date a déjà été repoussée une fois après la forte mobilisation de l’automne. Mais les organisateurs s’attendent à voir un peu moins de monde cet après-midi dans les principales grandes villes du pays : Dublin, Cork ou Limerick.
Pas de grosses manifestations anti-austérité
La rue ne s’est pas beaucoup faite entendre depuis le début des mesures d’austérité en Irlande car les Irlandais sont peu habitués à manifester. En Irlande, soit on serre les dents en attendant des jours meilleurs, soit on émigre. Depuis le début de la crise, des milliers de jeunes Irlandais ont fait leurs valises pour le Canada ou l’Australie. Une tradition d'émigration qui remonte au 19e siècle, quand les Irlandais avaient massivement émigré aux Etats-Unis pour échapper à la grande famine.
Depuis 2008, les Irlandais ont accepté beaucoup de mesures d'austérité : de nouvelles taxes, une baisse des salaires dans la fonction publique… Mais cette fois la pilule ne passe pas d'autant que si on attend parler un peu partout de reprise économique, les gens n’en voient pas vraiment le bénéfice au quotidien. Aussi le ton a-t-il récemment monté : le véhicule de la vice-Première ministre a été récemment bloqué par des manifestants anti « water charge ». Et l’un d’entre eux a verbalement agressé le président la semaine dernière.
La fin de la gratuité de l’eau nécessaire ?
L’Irlande est le dernier pays de l'Union européenne où les particuliers ne payaient pas directement leur eau courante. La consommation d'eau est facturée aux particuliers indirectement, à travers l’impôt sur le revenu. Mais cela ne suffit pas pour entretenir les infrastructures de traitement et d’acheminement de l’eau. La région de Dublin a même connu une pénurie d’eau de plusieurs jours en 2013 et le réseau souffrirait de nombreuses fuites. Un comble quand on sait la quantité d'eau de pluie qui arrose l'île.
Mettre fin au gaspillage : les Irlandais n’entendent pas forcément cet argument environnemental. Ils voient surtout dans la fin de la gratuité de l’eau une nouvelle exigence de la « troïka » (Commission européenne + BCE + FMI). C’est elle qui avait poussé en 2010 le gouvernement irlandais à prendre cette mesure en contrepartie de son plan de sauvetage.