Il l'avait fustigée, cette réforme constitutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy. Elle autorise le chef de l'Etat à s'adresser à la représentation nationale dans son intégralité. François Hollande en voit désormais bien toute l'utilité, lui qui s'est appuyé pleinement, depuis son élection, sur les institutions solides de la Ve République. « Lui président », « lui chef de guerre », plus que jamais. Moins de 24 heures après les représailles françaises contre l'organisation Etat islamique, le discours sera martial. Les premiers mots, vendredi soir, l'étaient déjà. C'est « l'union sacrée » en temps de « guerre ».
Aux alentours de 16h15, le chef de l’Etat devrait donc prendre la parole depuis la salle du Congrès du château de Versailles, celui des rois de France. Il s’exprimera devant les 577 députés de l'Assemblée nationale et les 348 sénateurs, soit l'intégralité du Parlement Les parlementaires se rendront sur place dans une quinzaine de cars ultrasécurisés. L’évènement est exceptionnel. Le président peut décider de convoquer le Congrès pour trois raisons : pour réviser la Constitution, pour autoriser un Etat à adhérer à l'Union européenne, ou pour s’exprimer solennellement devant la représentation nationale.
C’est justement pour faire une allocution que François Hollande a réuni le Congrès. La première fois que les deux chambres du Parlement ont été réunies à Versailles à l'occasion d'une allocution présidentielle, c’était en 2009. Nicolas Sarkozy avait alors prononcé un discours sur la crise financière. Que dira concrètement François Hollande cette fois-ci ? On peut s’attendre à ce que le président annonce des mesures concrètes, à la fois pour protéger la nation, et pour combattre l’organisation Etat islamique. Le président devrait en dire plus sur le bombardement massif mené dimanche soir sur la ville syrienne de Raqqa, fief du groupe EI.
M. Hollande pourrait proposer de prolonger l’état d’urgence durant trois mois. Au-delà de 12 jours, une telle prolongation ne peut validée que par une loi votée par le Parlement. Globalement, le chef de l'Etat veut dévoiler « les différentes décisions qui devront être prises pour assurer la sécurité des Français », selon les mots de Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale. S'il a voulu réunir le Congrès, c’est aussi « pour rassembler la nation dans cette épreuve », explique M. Bartolone. Car l'unité nationale pourrait voler en éclats dès ce lundi, puisque le discours sera suivi d'un débat.

L'intervention présidentielle sera suivie d'un débat
Dans un premier temps, il avait été acté que seul le président s'exprimerait. Mais le parti Les Républicains a demandé que chaque groupe dispose de dix minutes de discours après le départ du président. En revanche, il n’y aura pas de vote à l’issue de la discussion. Néanmoins, à trois semaines des élections régionales, la droite devrait profiter de cette tribune pour pointer du doigt l’action de l’exécutif, notamment en matière de sécurité. Un constat : Nicolas Sarkozy n’a jamais employé l’expression d’unité nationale. L'ancien président a parlé de solidarité avec le gouvernement, avant de rapidement de critiquer l’exécutif.
Le président du parti Les Républicains a réclamé une inflexion de la politique étrangère française, et des modifications « drastiques », c’est le terme utilisé, de la politique de sécurité de la France. Nicolas Sarkozy s’est dit prêt à être constructif à condition que François Hollande retienne certaines des mesures qu’il propose. Et de dévoiler l'une de ses propositions sur TF1 dimanche soir : que toutes les personnes inscrites au fichier « S », c'est-à-dire surveillées pour radicalisation, soient mises en résidence surveillée chez elles avec un bracelet électronique.
« Nous avons 11 500 personnes, les fameux fichiers " S ". Si on regarde tous les attentats récents, tous étaient sur ce fichier, justifie Nicolas Sarkozy. Je propose que nous réfléchissions ensemble à la décision qui consisterait pour les personnes sur ce fichier à pouvoir être mis en résidence surveillée , assignés à résidence chez eux, avec un bracelet électronique pour que les forces de police et de sécurité sachent où ils vont, où ils sont, ce qu'ils font, le temps que les forces de sécurité aient pu évaluer la dangerosité de ces personnes. » Et d'ajouter : « Il font que nous créions les conditions de centres de " déradicalisation " pour que nous y envoyions ceux qui sont tentés par la radicalisation. »

A l’extrême droite également, on réclame des actes. Marine Le Pen s'est exprimée à la sortie de l'Elysée dimanche, après avoir rencontré le président. « J'ai indiqué au président de la République que nous étions d'accord pour soutenir l'état d'urgence, à condition que celui-ci serve à effectuer l'ensemble des contrôles, des perquisitions qui permette de désarmer les banlieues et ne se limite pas à l'Ile-de-France, mais que l'ensemble des préfets aient la capacité, précisément, de mettre en œuvre ce désarmement des banlieues, des caves, des quartiers dans lesquels se cachent les fondamentalistes islamistes et leurs armes », a dit Mme Le Pen.