Si l’idée d’une France qui se doit d’être active sur la scène internationale fait évidemment l’unanimité des politiques français, la question qui se pose est davantage celle de la réalité de l’influence de Paris aujourd’hui. Que peut faire la France seule dans un monde bouleversé et une Europe en crise ? Le clivage en matière de politique étrangère n’oppose plus droite-gauche de l’échiquier politique, mais les gaullo-mitterrandistes aux atlantistes ou aux occidentalistes, voire néoconservateurs. Et au-delà de ce clivage apparaît le constat d’un manque de vision et d’absence de débat.
Où est passée la parole forte de la France ?
Nous ne sommes plus dans la France du général de Gaulle, estime Jean-Paul Chagnollaud, directeur de l’Iremmo (Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient). Le monde a changé. Il est en mouvement constant. Et l’Europe dans laquelle il pourrait y avoir des synergies n’est pas un multiplicateur de puissance. Depuis une dizaine d’années, avec l’élargissement, nous sommes dans une situation où l’Europe n’est plus en capacité. Et Jean-Paul Chagnollaud de regretter que la Grande- Bretagne, qui fut un moment un Etat important dans l’Union européenne, soit aujourd’hui écartelée et sans grand apport, alors que l’Allemagne, pour des raisons historiques, n’est pas en mesure de se projeter à l’extérieur.
Le directeur de l’Iremmo s’interroge également sur la réflexion stratégique de notre pays, soulignant la présence d’un certain nombre de blocages idéologiques comme celui repéré dans la version 2013 du Livre blanc… qui considère l’Iran comme un ennemi au prétexte que Téhéran veut se doter de l’arme nucléaire. Posture absurde qui empêche, selon Jean-Paul Chagnollaud, de se projeter vers l’avenir. Attitude pénalisante pour la France qui n’en pas moins contribué à l’accord sur le nucléaire iranien en juillet 2015.
Clivage entre gaullo-mitterrandistes et occidentalistes
Mercredi 9 décembre à Paris, Alexei Poutchkov, président de la commission des Affaires étrangères de la Douma, déclarait que la France était le meilleur allié de la Russie.
On en revient, estime Pascal Boniface, directeur de l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), au clivage entre gaullo-mitterrandistes et occidentalistes. Les premiers étant généralement plus favorables aux partenariats. De fait, estime-t-il, on ne peut pas avoir une diplomatie qu’avec ses semblables. « Le général de Gaulle a donné une impulsion à la diplomatie française en discutant avec des pays qui n’étaient pas comme nous ». Et en anticipant, renchérit Jean-Paul Chagnollaud, qui déplore la politique actuelle qui consiste à courir après les crises. La Russie comme l’Iran, dit-il, sont des partenaires indispensables qui doivent être traités comme tels.
Dans le monde post-guerre froide, la France a-t-elle suffisamment réévalué sa relation avec Washington ? Là encore, absence de vision stratégique et de ligne claire. « Si nous voulons de l’influence, dit encore Jean Paul Chagnollaud, il nous faut passer impérativement par l’Union européenne, mais il faut des périmètres restreints ».
Dans un système international marqué par un désordre profond, la question que devrait se poser la France - qui suscite encore beaucoup d’attentes dans le monde - n’est-elle pas celle de l’apport qui pourrait être le sien ?
Pour en savoir plus :
L'émission Géopolitique, le débat, dimanche 20 décembre 2015 à 18h10 TU.