Les talibans afghans ont lancé ce lundi 28 septembre des attaques coordonnées aux trois principales entrées de Kunduz, ville stratégique du nord du pays de 300 000 habitants. Ils ont atteint le centre-ville - comme l'atteste le drapeau blanc hissé sur la grand-place de la ville - et contrôlent la moitié de la ville, selon la police qui dit attendre des renforts. De violent combats ont eu lieu contre les force de sécurité afghanes. Les talibans, chassés du pouvoir par une intervention militaire internationale fin 2001, avaient déjà tenté de prendre Kunduz en avril dernier. Sans succès. Si Kunduz tombait, il s'agirait de l'un des plus graves revers pour les forces de sécurité en quatorze ans de guerre.
Pour Gilles Dorronsoro, professeur à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, spécialiste de l'Afghanistan, les talibans contrôlaient déjà un certain nombre de districts à l’intérieur de la province de Kunduz.« C'est la deuxième fois maintenant qu’ils montent une offensive très dure qui menace de faire tomber la ville même de Kunduz. Pour le gouvernement, c'est un choc psychologique particulièrement fort. Kunduz est un endroit où la pénétration des talibans s’est faite initialement plutôt auprès des populations pachtounes, mais ensuite s’est étendue à d’autres populations, notamment Ouzbèques et même Tadjikes, donc des gens qui parlent persan. Cela montre que les talibans sont sortis de leur base ethnique initiale pachtoune. »
Pour le chercheur, cela signifie que désormais les talibans ne sont plus simplement un phénomène du sud et de l’est de l’Afghanistan mais que l’ensemble du pays est concerné. Les talibans ont réussi à gagner en influence bien au-delà de leurs bastions traditionnels, alors que les tentatives de négociations directes amorcées par le gouvernement en juillet dernier sont au point mort.
■ Kunduz
Kunduz n’est pas n’importe quelle ville : c’est la porte d’entrée pour les talibans dans le nord de l’Afghanistan. Forte de 300 000 habitants, la cité est un important carrefour commercial, et un noeud routier situé sur l'axe qui relie Kaboul au Tadjikistan voisin. La région fournit en outre une grande partie des récoltes de riz du pays.
Kunduz revêt également une importance symbolique, puisque c’était le fief des talibans dans le nord lorsque ces derniers étaient au pouvoir avant 2001. Depuis, cette partie du pays avait été relativement épargnée par les combats mais les talibans y ont considérablement renforcé leur présence, notamment depuis le retrait des forces occidentales fin 2014.
N'ayant plus trop à faire face aux soldats de l'Otan dans leurs fiefs du sud et de l'est, les insurgés pachtounes ont alors pu concentrer leurs offensives sur le nord du pays, région ethniquement mixte où se mèlent pachounes, tadjiks et ouzbeks. Déjà, en avril et juin dernier, les talibans étaient arrivés jusqu'aux portes de Kunduz.