Farea al-Muslimi, directeur du Centre de recherches stratégiques de Sanaa, au Yémen, explique à RFI ce que l'on peut attendre de ces négociations.
« Prions pour que ces discussions mènent à quelque chose, mais je n’y crois pas. Il ne faut pas oublier que durant ces 20 derniers mois, il n’y a eu aucune négociation, il n’y a même pas eu de tentative de négociation, ça ne s’est vu dans aucun autre conflit ! Le problème, c’est que le Yémen est trop fragmenté maintenant. Par ailleurs, je pense qu’il n’y a aucune volonté politique de mettre fin à la guerre au Yémen, notamment de la part des 5 membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Et je ne suis pas sûr que le nouvel envoyé de l’ONU pour le Yémen ait reçu assez de pouvoir de la part de ces pays pour prendre des décisions et mettre un terme à la guerre. »
RFI : Mais selon vous, le gouvernement yéménite et les rebelles houthis ont-ils, eux, la volonté d’arrêter la guerre ?
« Ça n’a pas d’importance en fait. Même s’ils trouvent un accord pour régler le conflit, si l’Arabie saoudite et l’Iran ne sont pas partie prenante, ça ne réglera rien. Cette guerre a commencé au Yémen, a été déclenchée par les Houthis mais elle dépasse maintenant le Yémen. »
Le Sud-Yémen ignoré à Genève
Il y a par ailleurs des acteurs qui s'indignent de ne pas être conviés à ces efforts onusiens de Genève. C'est le cas des séparatistes du Sud-Yémen. Qassem Assaker est le secretaire général du Mouvement révolutionnaire du Sud-Yémen. Pour lui, « les discussions à Genève sont vouées à l'échec. »
« Je pense que les discussion de Genève sont vouées à l’échec. Lors des entretiens de préparation, l’émissaire de l’ONU n’a pas abordé les points-clés de la crise yéménite, il s’est contenté des dossiers secondaires comme ceux des prisonniers et des aéroports et d’autres sujets similaires. Alors que la crise au Yémen est beaucoup plus complexe. Les combats ne s’arrêteront pas tant que la situation du Sud-Yémen reste sans solution. C’est la pierre angulaire de la crise et c’est la source de tous les développements de la guerre ».
► ANALYSE
Les négociations formelles «commenceront plus tard»
Aucune rencontre de ce type n'a eu lieu pour le Yémen depuis deux ans. Depuis mars 2015, au moins 6 660 civils ont été tués et 10 563 blessés au Yémen, selon le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, ajoutant que « les chiffres réels sont certainement bien supérieurs ». Le Conseil de sécurité de l'ONU a exhorté mercredi les parties yéménites à « faire un premier pas vers la fin d'un conflit ».
Les parties yéménites sont attendues jeudi au Palais des Nations, siège de l'ONU à Genève, mais la délégation des Houthis étant bloquée dans la capitale yéménite de Sanaa, l'émissaire de l'ONU, le Britannique Martin Griffith, a décidé de ne pas mener de consultations jeudi dans l'enceinte onusienne : « Nous n'allons pas perdre de temps et nous sommes impatients de voir arriver ici nos amis de Sanaa pour qu'ils participent pleinement aux consultations. Je sais qu'ils le souhaitent. J'ai passé beaucoup de temps à leur parler, à parler à leurs dirigeants. Je sais qu'ils veulent être ici et nous allons nous assurer qu'ils puissent venir. »
Mais le niveau d'attente des parties yéménites n'est guère élevé et M. Griffith lui-même a fixé la barre assez bas, assurant qu'il ne s'agit que de « consultations » visant à « poser les bases » pour des « négociations formelles (...) qui commenceront plus tard ».