La dernière apparition à la télévision du Premier ministre contesté remonte à une semaine. Silence radio du côté des chefs des principaux partis au pouvoir également, ils avaient pris l’habitude de s’exprimer via les réseaux sociaux. Le dernier tweet de Moqtada Sadr concernant la situation interne du pays remonte au 30 octobre. Le leader nationaliste irakien a réagi toutefois aux déclarations américaines. Washington appelle Bagdad à faire cesser les violences et à organiser des élections législatives anticipées.
« Arrêtez de vous mêler des affaires de l’Irak », écrit Moktada Sadr. En attendant l’unique réponse de Bagdad aux revendications populaires, c’est la répression. Les manifestants sont barricadés place Tahrir, au centre de la capitale, derrière des murs en béton mis place par les autorités. La moindre tentative de quitter cet endroit pour se rendre sur les ponts qui mènent vers la Zone verte où siège le pouvoir déclenche immédiatement une nouvelle vague de répression menée par les forces anti-émeutes.
« Chaque nuit, les portes de l’enfer s’ouvrent ici »
« Dans vos pays, le moindre incident entraîne une vague d’indignation, des condamnations en chaîne et une surmédiatisation, mais ici, personne ne semble se soucier de nous, dénonce Ahmed, un manifestant rencontré à Bagdadpar nos envoyés spéciaux, Sami Boukhelifa et Boris Vichith. Nous avons des milliers de blessés, des centaines de morts et pourtant cela ne semble émouvoir personne. Je ne sais pas, peut-être que la vie d’un Irakien vaut moins que celle des autres. »
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Amer, Ahmed en appelle à l’aide internationale, comme d'autres manifestants. « La communauté internationale doit faire quelque chose pour nous. Regardez nos banderoles dans les manifestations, elles sont écrites en anglais pour que notre message parvienne au monde entier. » « Les Nations unies doivent intervenir en Irak, poursuit-il. Chaque nuit, les portes de l’enfer s’ouvrent ici à Bagdad. La répression est épouvantable : des tirs à balles réelles, des tueries, des enlèvements. L’ONU doit agir pour stopper ce bain de sang. »
Depuis le 1er octobre, 319 personnes ont été tuées, principalement des manifestants, selon un bilan officiel. Et un accord politique conclu la semaine dernière sous l'impulsion de l'émissaire de l'Iran en Irak pour mettre fin à la contestation a fait redouter « un bain de sang ». Alors que le nombre de morts recommençait à grimper et que le centre de Bagdad se transformait en champ de bataille, les Nations unies ont multiplié annonces et rencontres.
Usage de balles réelles
Lundi, la cheffe de l’Unami, la mission d'assistance de l'ONU en Irak, Jeanine Hennis-Plasschaert, s'est rendue à Najaf, où siège le grand ayatollah Sistani. Là, elle a annoncé que la plus haute autorité religieuse pour la majorité des chiites d'Irak avait endossé sa feuille de route, qui prévoit notamment une révision de la loi électorale sous deux semaines.
Elle sera reçue au Parlement ce mercredi 13 novembre pour une séance au cours de laquelle des réformes pourraient être examinées. La commission parlementaire des droits humains, critique des autorités, a annoncé qu'elle dresserait lors de cette séance un bilan de la gestion de la crise.
L'ONU et des défenseurs des droits humains se sont eux insurgés contre l'usage de balles réelles, la mort d'une vingtaine de manifestants touchés par des grenades lacrymogènes ayant réduit leur crâne en lambeaux et des arrestations, enlèvements et autres techniques d'intimidation utilisées pour faire cesser les manifestations.