Un mot figure ce matin à la Une de tous les journaux, de tous les médias : « corruption ». L’État d’Israël contre Benyamin Netanyahu. Et aussi la réaction très forte du Premier ministre israélien : « c’est une tentative de coup d’État », rapporte notre correspondant à jérusalem, Michel Paul. « La législation israélienne ne prévoit pas ce cas de figure. Le prévenu est aussi le Premier ministre », fait remarquer un éditorialiste. Un autre commentateur s'inquiète de la tactique adoptée par Netanyahu, celle de « la terre brûlée ». Tout comme Néron, il va contempler le pays tout entier en proie aux flammes avant qu’il n’accepte de quitter la résidence officielle rue Balfour à Jérusalem.
Ilan Greilsammer, professeur de sciences politiques à l'université Bar-Ilan de Tel-Aviv, est au micro de Raphaël Delvolvé
22/11/2019 - par RFI Écouter« C’est une nouvelle ère qui s’ouvre », estime Israel Hayom, le journal proche du pouvoir. « C’est une période pleine de dangers », ajoute l'auteur de l’article. « Une journée triste », estiment plusieurs chroniqueurs, mais aussi un « événement important dans l'histoire du pays ». « Ce n’est que le début » titre Yediot Aharonot.
La campagne électorale vient de commencer dans la classe politique israélienne, de nombreuses voix dans l’opposition s'élèvent pour réclamer la démission de Netanyahu. Plusieurs articles soulignent que des défis lui sont lancés également au sein de son propre parti le Likoud. Et Haaretz, le quotidien libéral, conclut son éditorial en proclamant : « Il faut mettre un terme à la campagne de destruction du Premier ministre. Et au plus tôt. »
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Au Likoud, une « culture du chef »
Selon l'historienne Frédérique Schillo, spécialiste d'Israël, ce « tremblement de terre politique qui pourrait bien changer le rapport de force au sein même du Likoud ».
« Même avant cette mise en examen, il était question peut-être d’une primaire à l’intérieur de Likoud. L’un des principaux rivaux de Netanyahu, Gideon Sa’ar a dit qu’il était prêt à se présenter contre Netanyahu dans une primaire. Le problème c’est que le Likoud fait bloc derrière son chef, il y a une culture à droite du chef, et il y a une loyauté, même dans un moment comme celui que l’on vit maintenant. Mais, néanmoins, il y aura sans doute des frondeurs.
Au Likoud, les politiciens et puis les électeurs ont commencé à voir que cela n’est pas tenable et que Benyamin Netanyahu a déjà perdu deux élections. Ils pourraient sans doute perdre encore les prochaines. La question est : est-ce que des frondeurs vont sortir du bois ?
Aujourd’hui, Benyamin Netanyahu a fait en sorte qu’il n’y ait pas de successeurs, parce qu'il a coupé les têtes qui dépassaient, et il règne par la peur qu’il inspire. On se demande si des frondeurs pourraient oser le défier aujourd'hui. »
Benyamin Netanyahu va s'accrocher au pouvoir
Mais malgré cette décision historique de la justice, le bouleversement du paysage politique israélien n'est pas pour demain.
« De nouvelles élections s’annoncent, mais il est à craindre que malgré ce tremblement de terre politique, Benyamin Netanyahu s’accroche au pouvoir et que les blocs ne changent pas. Aujourd’hui on s’oriente vers des élections début 2020 et ce serait toujours les mêmes leaders à la tête à la fois de l’opposition, Benny Gantz, avec un bloc de centre gauche et puis de l’autre côté, Benyamin Netanyahu qui va vouloir assumer à nouveau la tête du Likoud et d’un grand bloc de droite.
Donc, malgré ce bouleversement qui remet en cause les institutions, parce que c’est assez intenable qu’un Premier ministre mis en examen reste à la tête de l’État, mais néanmoins il le fera et il voudra le rester. Je crains que, malgré tout, cela prenne du temps avant qu’il ait un véritable changement effectif dans la vie politique israélienne. »