RFI : Peut-on dire que ces Jeux de Sotchi, c’est une forme d’apothéose pour Vladimir Poutine en termes de communication ?
Alexis Prokopiev : C’est un symbole fort pour Vladimir Poutine aujourd’hui, un signal fort qu’il veut envoyer à l’extérieur et à l’intérieur de la Russie. A l’externe tout d’abord, il a envie de montrer que la Russie est une grande puissance, il a envie que tout se passe bien durant ces Jeux olympiques de Sotchi. Puis en interne, il ne faut pas oublier que Vladimir Poutine est aujourd’hui un président contesté. Il y a eu durant 2011, 2012 et 2013, des dizaines de milliers de Russes qui ont manifesté contre la politique de Vladimir Poutine dans la rue. Son parti Russie unie est aujourd’hui au plus bas dans les sondages. Donc Vladimir Poutine a besoin de montrer que c’est un homme fort, qu’il est capable d’organiser des événements de grande ampleur aussi bien à l’international qu’en interne, en Russie.
D’ailleurs pour cela, il reçoit un appui marqué de la part des instances des Jeux olympiques…
Oui, c’est vrai mais c’est plutôt une chose habituelle dans l’histoire des Jeux olympiques. Les dirigeants du Comité olympique international ont toujours très fortement appuyé les dirigeants des pays qui recevaient les Jeux olympiques. C’est aujourd’hui le cas aussi avec Vladimir Poutine.
Vous signaliez justement ces rassemblements de l’opposition, mais ils remontent déjà plusieurs mois en arrière. Ces dernières semaines, les rangs de l’opposition sont plutôt restés discrets ?
Il y a eu un rassemblement de milliers de personnes encore une fois à Moscou pour demander la libération des prisonniers politiques, car il ne faut pas oublier que malgré la libération symbolique pour les Jeux olympiques de Sotchi, il y a quelques semaines, de quelques prisonniers politiques célèbres comme Mikhaïl Khodorkovski et les Pussy Riot, il y a encore des centaines de prisonniers politiques dans les prisons russes. Et malheureusement après les Jeux olympiques de Sotchi, on craint qu’il y ait encore des arrestations. D’ailleurs, on sait que c’est très compliqué aujourd’hui de manifester en Russie à cause des Jeux olympiques. Donc le climat reste assez tendu.
Justement, il y a une inquiétude : Vladimir Poutine a lâché du lest avant. Qu’est-ce qu’on doit attendre pour l’après ?
On craint vraiment pour l’après. On sait aujourd’hui que des écologistes russes notamment sont poursuivis. Aujourd’hui, même un écologiste russe a été arrêté à Krasnodar, pas très loin de la région de Sotchi, car il a manifesté. Un autre écologiste russe de la région de Sotchi, Evgueni Vitichko, a été condamné à trois ans de prison ferme pour une inscription sur un mur.
On craint aussi que des répressions reprennent après les Jeux olympiques de Sotchi, surtout qu’aujourd’hui, pendant les Jeux olympiques de Sotchi, beaucoup de Russes qui ne sont d’ailleurs souvent ni engagés, ni encartés, ni dans l’opposition ni rien, manifestent très fortement, notamment sur les réseaux sociaux, leur mécontentement par rapport à la gabegie, par rapport à la corruption, par rapport à tout l’argent qui a été dépensé pour l’organisation de ces Jeux olympiques, l’argent du contribuable russe, des milliards et des milliards (près de 40 milliards d’euros aujourd’hui). Et on voit aujourd’hui le résultat, c’est qu’il y a plusieurs choses qui ne fonctionnent pas à Sotchi. Il n’y a souvent pas l’eau, il n’y a souvent pas l’électricité. Ce sont des choses que les Russes ressentent de manière très douloureuse.
On en entendra certainement parler dans les jours qui viennent avec les commentaires, notamment, de la presse internationale. Néanmoins, jusqu’à présent, on peut dire que cette opération de prestige a plutôt réussi à Vladimir Poutine ?
Oui, en tout cas, de ce qui s’est dit avant le début des Jeux olympiques, c’est plutôt une opération réussie. Même si, encore une fois, les dernières informations et les images qui arrivent des hôtels où il n’y a pas d’eau, où il y a beaucoup de choses qui ne fonctionnent pas, c’est plutôt très mauvais pour lui. Les Russes aujourd’hui lient tout cela à l’explosion de la corruption en Russie. Il faut attendre bien sûr les Jeux, voire comment ça va se passer. Bien sûr, c’est une opération de prestige qui est très importante pour Vladimir Poutine. Et encore une fois, beaucoup de questions resteront en suspens après les Jeux olympiques, bien sûr les questions des droits de l’homme, mais aussi les questions des dépenses qui ont été liées à ces Jeux olympiques.
Comment est-ce que ça va influencer l’économie russe ? On a vu aujourd’hui la chute du rouble. Aujourd’hui, un euro vaut à peu près 50 roubles dans les bureaux de change à Moscou, il en valait 40 il y a encore quelques mois. Et aussi le devenir de ces installations olympiques. On sait que Sotchi se trouve dans une zone subtropicale, la seule zone subtropicale de Russie. On se demande ce que vont devenir tous les bâtiments olympiques dans la construction desquels ont été dépensés des millions et des millions d’euros. Qu’est-ce qu’ils vont devenir après les Jeux ? Toutes ces questions-là restent bien évidemment en suspens.