Burkina Faso

Burkina Faso: une révolution express

La place de l'Indépendance de Ouagadougou, où se sont rassemblés les manifestants burkinabè, le 31 octobre 2014.
La place de l'Indépendance de Ouagadougou, où se sont rassemblés les manifestants burkinabè, le 31 octobre 2014. AFP/Issouf Sanogo

Le 30 octobre 2014, au petit matin, la foule envahissait le centre-ville de Ouagadougou. L'Assemblée nationale burkinabè était prise d'assaut. « C'est une insurrection populaire, c'est fini ! », criait un manifestant. « Le pouvoir appartient au peuple ! », ajoutait un autre. « La patrie ou la mort, nous vaincrons, nous allons faire dégager notre président ! », concluait un dernier. La volonté de Blaise Compaoré de modifier l'article 37 de la Constitution était alors stoppée net. Et ce dernier allait démissionner le lendemain, signant la fin de son régime après 27 ans de pouvoir. Retour sur les quelques jours qui ont changé le Faso.

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Pour un grand nombre de Burkinabè, c'est une première de descendre dans les rues. Mais ce soulèvement populaire est né bien avant, dès le début des années 2000 avec le travail de fond réalisé dans les quartiers, les universités. Un mouvement n'a jamais lâché malgré les pressions : le Balai citoyen. Le slameur Valian est l'un des membres actifs. Dans l'une de ses chansons, il déclame : « Quand les peuples se mettent debout, les dictateurs tombent ! Le pouvoir est dans la rue ! »

Pour lui, la génération qui a fait chuter Compaoré porte l'héritage de Thomas Sankara : « Dans les manifestations, la moyenne d'âge, c'était 25-27 ans, un peu " génération Sankara ". C'est cette génération, avec l'appui des aînés, qui a fait le travail. Sankara, c'était des idées qu'il proposait ; Blaise Compaoré, il n'avait de rêve que pour lui-même, représenté par des billets de banque, des t-shirts. Un billet de banque, tu prends, tu vas dépenser, c'est fini. Mais une idée que l'on t'a mise dans la tête, tu la gardes souvent à vie. »

L'inconnu Isaac Zida prend la tête du Faso

Après deux jours d'intenses manifestations, Blaise Compaoré prend finalement la fuite en Côte d'Ivoire. L'armée cherche à garder le pouvoir. Avec l'accord de la société civile et après des luttes internes, le lieutenant-colonel Issac Zida prend la tête du Burkina Faso. En quinze jours, et malgré les menaces de l'Union africaine et de la communauté internationale, qui ne semblent pas y croire, tous les acteurs de cette révolution rédigent une charte de la transition.

L'hymne national est une fois de plus chanté pour célébrer cette réussite. Sur la scène de la maison du peuple, Isaac Zida dénonce l'ancien régime : « L'insistance insensée et la myopie politique de la révision constitutionnelle nous a profondément secoués. Mais une fois encore, le peuple burkinabè en est sorti vainqueur », déclare-t-il. Acclamé par la foule, il conclut : « Aujourd'hui, nous sommes ensemble pour asseoir les bases d'une démocratie véritable, aspiration profonde de tout notre peuple. »

Un marathon politique qui se joue au sprint

Dans la foulée et après dix heures de tractations, Michel Kafando est désigné président de la transition pour un an. Il nomme Isaac Zida au poste de Premier ministre et le gouvernement est annoncé 72 heures plus tard. Lors d'une cérémonie au palais des sports de Ouagadougou, devant une brochette de chefs d'Etat africains complètement éclipsés, Michel Kafando prononce un discours fondateur qui plait au peuple, rouvrant notamment le dossier Sankara :

« J'ai décidé que les investigations pour identifier le corps de Thomas Sankara seront réalisées, dit-il. Aujourd'hui, même cette autorisation est accordée. » Et le pouvoir transitoire d'insister sur l'objectif de mettre fin à la corruption, à l'impunité, de faire fonctionner correctement l'Etat et d'organiser une élection présidentielle crédible fin 2015. Autant d'annonces faites par les dirigeants de la transition. Des paroles que les Burkinabè veulent voir dans des actes concrets.

La pression de la société civile

La société civile, comme l'explique le rappeur Smockey, fondateur avec Sams K Le Jah du Balai citoyen, reste vigilante et se fera entendre s'il le faut. « Dans tous les cas, nous restons dans notre rôle de veille citoyenne, de sentinelle, assure-t-il. Et à un moment donné, si nous pensons que le peuple a été une fois de plus berné, et bien le peuple va essayer de regagner sa dignité en arpentant à nouveau les rues ».

Smockey ajoute, en faisant référence aux élections censées se tenir fin 2015 : « Quelle que soit la personne qui sera élue aux destinées de ce pays, il devra désormais compter avec les populations, compter avec ce second effet, car nous avons déjà eu une révolution avec Thomas Sankara. Et cette deuxième révolution a ancré dans la tête de toute une génération que c'était possible de déplacer des montagnes. » Dans son studio d'enregistrement, le studio Abazon, Smockey se place devant le micro et conclut en chantant : « On passe à l'attaque, on passe à l'action. Aussi longue est la nuit, le jour fera son apparition. »

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