Double scrutin en Guinée: une journée de vote marquée par des tensions
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Près de 5 millions de Guinéens étaient appelés aux urnes ce dimanche 22 mars pour un double scrutin rassemblant les législatives et un référendum constitutionnel contesté. Le scrutin, contesté par la société civile et l'opposition qui a appelé au boycott, a été maintenu par les autorités.
En Guinée, le double scrutin controversé a démarré ce 22 mars au matin. Le président Alpha Condé a voté en fin de matinée à Kaloum, dans le centre-ville de la capitale Conakry. Entouré de la garde présidentielle, Alpha Condé a marché du palais présidentiel au bureau de vote. « J’espère que tout se passera dans la paix et la tranquillité et que le peuple guinéen, comme en 1958, montrera sa maturité » a déclaré le chef de l’Etat.
A Conakry, le vote s’est globalement bien passé à Kaloum, dans le centre-ville, à Dixinn et à Taouya, explique notre correspondant à Conakry, Carol Valade. L'affluence était faible durant toute la matinée dans les bureaux du centre et de la proche banlieue. Dans les rues, personne et pas de files d’attente non plus. Les quelques électeurs ont décliné poliment les interviews.
En revanche, de violents affrontements ont été signalés en haute banlieue entre pro et anti-référendum. Des pneus ont été brulés, des barricades érigées et des boutiques incendiées vers Sonfonia. Plusieurs bureaux de vote ont été saccagés et du matériel électoral brûlé. Un membre du FNDC (Front national pour la défense de la Constitution) indique que son domicile a été attaqué ce dimanche matin.
Heurts avec les forces de sécurité
L'armée a été déployée, une douzaine de pick-up chargés de soldats armes en main ont remonté la route Le Prince, où des heurts ont été signalés entre des jeunes et les forces de sécurité, près du carrefour Hamdallaye, à la Cimenterie et à Sonfonia. A chaque fois, le scénario était le même : échanges de jets de pierre face à des tirs de gaz lacrymogènes. Dans certaines zones, des bureaux de vote ont été saccagés et des électeurs agressés par des manifestants qui voulaient les empêcher d’aller voter.
Des coups de feu ont été entendus dans le quartier Simbaya, dans la commune de Ratoma, ainsi que dans le quartier de Koloma notamment, où seulement deux bureaux de vote ont ouvert sur la quarantaine prévus. Dans les bureaux visités, la police était souvent plus présente que les électeurs, sauf dans la commune de Matoto où l'affluence était plus importante.
Mais vers Petit Simbaya, la route était jonchée de débris d'urnes et de bulletins calcinés. Des groupes de jeunes ont harangué les forces de l'ordre jusqu'en fin d'après-midi. Le gouvernement n'a pas encore communiqué de bilan officiel, le FNDC, lui, appelle à poursuivre les manifestations.
Troubles à l'intérieur du pays
Mais il y a également eu des incidents dans l'intérieur du pays, rapporte notre correspondant Mouctar Bah. Du matériel électoral a été détruit dans certaines localités. L'opposition à Alpha Condé avait promis de tout faire pour empêcher la tenue de ce scrutin et du référendum qui pourrait ouvrir la voie à un troisième mandat pour le chef de l'Etat.
La journée a été très tendue en dehors de la capitale. Nzérékoré, la principale ville du sud, a connu une agitation toute particulière avec des bureaux de vote saccagés, des véhicules calcinés, jusque dans l'enceinte de l'université, un lieu ultrasécurisé. Sans compter les mouvements dans les quartiers de Bellevue, de Nakoyakpala et de Mohomou. Des arrestations ont été effectuées à Kindia, la ville garnison de la Basse-Guinée, dans le milieu des opposants à la nouvelle Constitution, qui ont attaqué des bureaux de vote.
Des bureaux de vote ont également été incendiés à Kolaboui dans l'ouest, alors qu'à Koundara au nord, le même scénario a été constaté à Hamdallaye et Sareboido près de la frontière bissau-guinéenne. A Télimélé, des membres des bureaux de vote ont été molestés et chassés alors qu'à Pita, la journée a été transformée en journée ville morte.
Enfin, on retiendra qu'à Mamou, où le vote s'est déroulé calmement, dans certains quartiers, au moment des dépouillement des urnes, des individus armés de gourdins et de bâton ont fait irruption dans des bureaux de vote périphériques, ont mis en déroute les agents de sécurité et se sont emparés de tout le matériel électoral.
Matinée de vote
Tout avait pourtant démarré pour le mieux, ce dimanche matin, dans le centre de Conakry, dans la commune de Kaloum. Le matériel était en place et une petite queue s’était formée devant les kits de lavage des mains, pandémie de coronavirus oblige. Les électeurs entraient ensuite dans le bureau pour voter trois fois, c’est-à-dire deux fois pour les législatives (liste uninominale et liste nationale) et « oui » ou non » pour le référendum.
Tout cela après avoir vérifié que leur nom figurait bien sur les listes définitives. C’est primordial car quelques jours avant le vote, près de 2,5 millions de noms (soit près d’un tiers des électeurs) ont été retirés sur recommandation de la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest), faute de pièces justificatives enregistrées.
Amnesty International, l’Union européenne et même l’ONU ont fait part de leur inquiétude, en amont, d’un scrutin qui se déroule sans les observateurs internationaux de l’OIF, de la Cédéao et de l’Union Africaine qui se sont retirés du processus, le report du double scrutin n’ayant pas été mis à profit pour réintégrer l’opposition. Il n’y a par ailleurs pas de réseaux sociaux non plus depuis samedi soir. Facebook et Twitter sont inaccessibles sans VPN.
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