Madagascar: le projet de loi de finances adopté en un temps record à l'Assemblée nationale
Moins d’une semaine après la publication du projet de loi finances 2022 et en à peine 5h de séance, les députés malgaches ont adopté - sans amendement - le texte cadre pour l’année à venir. Une « grosse déception » pour la société civile, qui déplore cette année encore l’impossibilité d’échanger et de débattre avec « des parlementaires très pressés de voter le budget ».
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Avec notre correspondant à Antananarivo, Sarah Tétaud
Ils étaient jugés prioritaires mais avaient jusqu’à présent toujours été « les grands oubliés ». Les ministères de l’Environnement, de l’Eau, Assainissement et hygiène et de la Protection sociale vont bénéficier l’an prochain d’une augmentation de 75 à 350% de leur budget par rapport à 2021.
Hony Radert, secrétaire générale du Collectif des citoyens et organisations citoyennes et experte des projets de loi de finances, applaudit cette hausse du budget, tout en restant prudente. « Désormais, il revient à ces ministères de montrer leur capacité d’utiliser à bon escient ces allocations en mettant en place un cadre de concertation qui aura impliqué toutes les parties prenantes. »
Le projet de loi de finances supprime également certains avantages fiscaux des zones franches.
« Dans quelle mesure l’État a-t-il fait une concertation avec le secteur privé avant de prendre cette décision ? Particulièrement dans ce contexte post-Covid, où l’économie essaie de retrouver son rythme, il est vraiment essentiel de retrouver ce dialogue avant de prendre des décisions qui peuvent impacter fortement des secteurs prioritaires comme les zones franches. Si on ne peut pas produire comme il faut, impossible de se remettre de la crise et avancer que ce soit économiquement ou socialement », prévient l’experte.
Autre point de discorde, les budgets sans destination précise. En baisse mais néanmoins encore présents.
« Aujourd’hui, ils représentent 5,9% du budget (180 millions d’euros) contre 8,2% en 2021. Mais il y a toujours des montants importants qui sont là, notamment au niveau des nouveaux projets dits d’"Emergence". On note une allocation de 585 milliards d’ariary (131 millions d’euros). On ne sait pas à quoi va servir cet argent. Donc cela va à l’encontre du principe de crédibilité du budget. »
Pour Hony Radert, il s’agit d’une « fausse mise à disposition ». « Les ministères intéressés vont devoir demander l’autorisation en Conseil des ministres avant de pouvoir utiliser ces fonds. Ce qui va prendre du temps compte-tenu du délai des procédures. Au final, utiliser cet argent [de manière transparente, NDLR] risque d’être difficile. »
Manque de transparence
La société civile s’est enquise cette année de savoir à quelles fins les fonds dits « sans destination précise » avaient été utilisés cette année. Impossible d’obtenir une réponse jusque-là. « Nous n’avons aucune visibilité sur le sujet », concède Hony Radert.
Enfin, les regards se tournent vers le plan d’emprunt extérieur, qui a plus que doublé par rapport à l’an dernier, passant désormais à 15 600 milliards (3,5 milliards d’euros) d’intention d’emprunt pour 2022.
« On voit que l’Etat souhaite acquérir du matériel de défense militaire pour un montant de plus de 400 milliards. On insiste sur la mise en place d’une plateforme de concertation sur les programmes d’investissements publics. Il s’agit de savoir qu’est ce qui est prioritaire, sur quoi va-t-on emprunter. Parce qu’on engage la population malgache sur le remboursement de ces emprunts donc on veut savoir de quoi on parle… Qu’on ne se retrouve pas à nouveau avec un emprunt comme celui du téléphérique de Tana (151 000 millions d’euros de prêt avec la France) sans savoir l’opportunité de la dépense et sans savoir dans quelles mesures ces dépenses répondent aux besoins de la population ! »
Tous les espoirs sont désormais portés sur les sénateurs. Lesquels, espère l’experte, seront plus à l’écoute de la société civile et du secteur privé.
Un débat public sera organisé vendredi pour présenter les recommandations des associations citoyennes.
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