Madagascar: ambiance tendue lors du procès de l’affaire «Projet Apollo 21»
À Madagascar, c’est un procès très attendu qui s’est ouvert, ce lundi 6 décembre, à la cour criminelle d’Antananarivo. Vingt personnes dont deux Français et leurs épouses ainsi que cinq hauts gradés et un ex-Premier ministre sont jugés pour avoir participé au « Projet Apollo 21 » ainsi que de quelques membres de son entourage. Cette tentative supposée de coup d'État et d’assassinat du président de la République devait être mis à exécution en juillet, d’après l’enquête.
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Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
Cette première journée a été majoritairement consacrée à la lecture, en malgache et en français, des actes d’accusation. Ce lundi soir, les avocats de la défense ont demandé la nullité de la procédure pour non-respect du droit de la défense. La juge annoncera, dans la matinée de mardi, si le procès reprend ou s'arrête définitivement.
Pour ce premier jour d’audience, c’est dans une ambiance tendue et sous haute sécurité que le procès s’est ouvert, ce lundi, à 9h30. Une soixantaine de forces de l’ordre, majoritairement armées de kalachnikovs et certaines cagoulées, encadraient les vingt accusés cités à comparaître et la vingtaine de journalistes venus couvrir l’affaire.
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Après le tirage au sort de quatre jurés (citoyens-assesseurs), plus de trois heures ont été nécessaires pour lire l’acte d’accusation, en malgache puis en français, afin que les accusés étrangers puissent « comprendre ce qu’on leur reproche », a expliqué la présidente de la cour.
Plusieurs chefs d’accusation ont été retenus, parmi lesquels « association de malfaiteurs », « association criminelle », « complot » ou encore « attentat ». Un Franco-Malgache ainsi qu’un Français, tous deux anciens officiers de l’armée française, ont été présentés comme les principaux suspects de l'affaire.
La défense demande la nullité de la procédure
Vers 16 heures, cinq des avocats de la défense ont, tour à tour, pris la parole pour réclamer la nullité de la procédure « parce que le droit de la défense n’a pas été respecté », explique l’avocat de l’un des Français, Maître Willy Olala.
« La présomption d’innocence n’a pas non plus été respectée. Ni le respect du secret de l’instruction. L’exécutif a bafoué le droit de la défense. Il n’a pas respecté la séparation des pouvoirs. Et le président de la République, et le président du Sénat, et des députés, et des ministres parlaient, tous ont accusé et sorti des jugements pour dire qu’ils [les accusés ndlr] sont coupables, dans les médias. Ça ne se fait pas ça ! »
Des faits étayés par les avocats, à la barre. Ils ont rappelé le cas de Patrick Rajoelina, alors conseiller spécial du président et aujourd’hui ministre des Affaires étrangères, qui s’était rendu sur le plateau de France 24 le 24 juillet, soit quatre jours après l’arrestation des suspects, pour dénoncer la présumée tentative de coup d’État et « condamner les suspects en bafouant leur présomption d’innocence ».
Ils ont également pointé du doigt « l’étalage des éléments de l’enquête » réalisé par la ministre de la Communication le 4 août, sur le plateau de la télévision nationale. Les avocats ont aussi tenu à raconter les difficultés rencontrées pour accéder, dans les temps, aux dossiers de leurs clients, ou encore « l’illégalité des enregistrements constatés lors des interrogatoires des accusés » durant les enquêtes préliminaires.
Pas de retransmission en direct
Remontés, les avocats l’ont été tout autant lorsqu’ils ont appris lundi matin que les journalistes n’avaient pas le droit de filmer ou d’enregistrer durant l’audience et que le procès ne serait pas retransmis en direct à la télévision nationale, contrairement à ce qu’ils avaient demandé. « Le peuple a besoin de savoir ce qu’il se passe [au procès] parce que ça concerne la vie de leur président de la République. Ça aurait pu permettre aux magistrats de travailler dans une indépendance totale si ça avait été retransmis en direct. Alors que maintenant, comme c’est un procès politique, le pouvoir exécutif peut les influencer et donner des ordres à suivre. »
Les arguments de la défense ont été balayés par l’avocat général et représentant du parquet : « Vous, avocats, vous n’avez pas fait votre travail. Vous auriez dû notifier les vices de procédures durant l’enquête », a-t-il rétorqué.
C’est sur ces échanges que l’audience a finalement été suspendus, vers 17h30. Elle reprend mardi avec la délibération, sur la forme, de la juge. Si un abandon de la procédure était acté, l’effet immédiat serait la fin de toutes les poursuites. « Ce serait une première pour ce genre d’affaire », explique une avocate à RFI, mais les chances d’une telle issue « sont quasi nulles », explique un autre, pour qui le procès est beaucoup trop politique pour s’arrêter ainsi.
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