Soudan: face à la contestation, Abdallah Hamdock limoge et maintient le cap
De nouvelles manifestations populaires contre le coup d'État militaire ont eu lieu ce lundi 13 décembre au Soudan, pour la huitième fois depuis le 25 octobre. La rue ne relâche pas la pression sur Abdallah Hamdok, maintenu à son poste de chef de gouvernement par les militaires. Un Premier ministre qui, malgré la contestation et la surveillance étroite de l'armée, continue de s'efforcer de gouverner.
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Abdallah Hamdok n'est pas un politicien de carrière. Mais il connaît le poids des gestes forts en politique, comme le remplacement qu'il a ordonné, dimanche, de tous les gouverneurs nommés depuis le coup d'État par les militaires.
Le Premier ministre entend montrer qu'il gouverne et qu'il dispose d'une marge de manœuvre. En novembre, il avait déjà limogé le chef de la police et son adjoint, après la répression violente de manifestations pacifiques, puis gelé ou annulé des nominations dans l'administration de fidèles de l'ancien président Omar el-Béchir.
En revanche, il n'a toujours pas formé ce gouvernement de « technocrates » prévu par l'accord signé avec les putschistes. Et son entourage continue d'indiquer qu'il pourrait démissionner en cas d'échec.
Nouveau gouvernement annoncé à la fin des consultations
Selon le chef de la mission locale de l'ONU, Volker Perthes, Abdallah Hamdok discute actuellement avec les militaires des réformes nécessaires à la mise en place de nouvelles institutions de transition. Son équipe gouvernementale devrait être annoncée après la fin de ces consultations.
La chercheuse Maram Mahdi, de l'Institut d'études sur la sécurité de Pretoria, estime que son défi principal consiste à trouver des ministres qui ne soient pas proches de l'ancien régime ou des militaires, « étant donné que la même petite élite contrôle l'espace politique depuis des décennies ».
Lundi 13 décembre, des dizaines de milliers de personnes ont à nouveau défilé dans les rues du pays pour dénoncer le coup d’État du 25 octobre et pour refuser l’accord signé quelques semaines plus tard par lAbdallah Hamdok avec les généraux putschistes. La mobilisation se poursuit, à quelques jours du troisième anniversaire – le 19 décembre – de la révolte qui avait mené à la chute d’Omar el-Béchir.
« Ce mouvement pacifique viendra aussi à bout de cette dictature-là »
À Khartoum, les manifestants qui ont tenté de s’approcher du palais présidentiel lundi ont été dispersés par des gaz lacrymogènes tirés par les forces de l’ordre déployées en masse, rapporte notre correspondant sur place, Eliott Brachet. Dans le nord de la capitale, l'ambiance se voulait aussi festive au milieu de la contestation. Depuis près de deux mois, ses musiciennes, professeurs ou docteurs descendent chaque semaine dans les rues. Amal Nasir écrit des poèmes :
« J’écris des textes depuis longtemps. Avant, on me considérait soit comme une infidèle, soit comme une communiste. Même si la transition politique a échoué, nous avons quand même gagné une chose : la liberté. Ils pensent que nous allons nous taire. Ils ont peur qu’on leur passe la corde au cou. Ils ont peur de la volonté du peuple. Si le pays devient démocratique, ils devront payer pour leurs crimes. Dans chaque maison, il y a un martyr. »
Depuis huit semaines, le pays est sans gouvernement, rappelle Halima Musa : « Hamdok est en échec. Aujourd’hui, aucun politicien raisonnable ne souhaite s’afficher main dans la main avec les militaires putschistes. Et cette vacance du gouvernement va se poursuivre jusqu’à ce qu’ils finissent par entendre la volonté du peuple. Ce mouvement pacifique que vous voyez là, qui est venu à bout du régime de l’une des pires dictatures islamistes, viendra aussi à bout de cette dictature-là. »
Alors que le jour décline, les gaz lacrymogènes pleuvent pour disperser la foule, faisant une dizaine de blessés. Les manifestants se donnent rendez-vous dimanche pour célébrer les trois ans de la révolution qui avait fait tomber Omar el-Béchir.
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