Afrique du Sud: remise d'un rapport très attendu sur la corruption des années Zuma

C'était un rapport anti-corruption très attendu en Afrique du Sud. Quatre ans après sa mise en place, la Commission d'enquête sur les soupçons de capture d'État a remis la première partie de son rapport au président Cyril Ramaphosa. La troisième et dernière partie sera publiée le 28 février.

Cyril Ramaphosa témoigne devant la Commission d'enquête anti-corruption, le 11 août 2021.
Cyril Ramaphosa témoigne devant la Commission d'enquête anti-corruption, le 11 août 2021. REUTERS - SUMAYA HISHAM
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La Commission Zondo, du nom de son président, a été mise en place en 2018 pour faire la lumière sur les soupçons de corruptions et de fraude au sein du secteur public (institutions et entreprises) et qui ont émaillé la présidence de Jacob Zuma (2009-2018), rapporte notre correspondant à Johannesburg, Romain Chanson.

Pendant trois ans, la Commission a mené des auditions publiques qui documentent l'accaparement du pouvoir par Jacob Zuma et ses alliés dont les frères Gupta, désormais en fuite aux Émirats arabes unis.

Diffusée en direct à la télévision, la remise officielle du rapport a été qualifiée par Cyril Ramaphosa de moment décisif pour le pays. Aussitôt remis, aussitôt disponible. Les 900 pages du premier rapport de la Commission Zondo sont accessibles au grand public.

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Dans ce premier rapport, la Commission Zondo conclut à une capture d'État. Elle pointe le rôle joué par l'ancien président Jacob Zuma et ses proches dans le détournement d'institutions et d'entreprises publiques. Elle émet ensuite des recommandations. La balle est désormais dans le camp du président Cyril Ramaphosa qui dit prendre ce rapport très au sérieux.

« Peu importe qui est mis en cause, nous ferons appliquer les recommandations. Les gens de ce pays ne peuvent pas avoir traversé ces quatre années pour finalement s'attendre à ce que les recommandations ne soient pas appliquées », a souligné le président Ramaphosa.

Le rapport estime que les Gupta « employaient une stratégie calculée pour s’approprier les fonds publics des entreprises publiques » et exerçaient sur Jacob Zuma une influence « considérable ». Il se penche notamment sur la compagnie aérienne sud-africaine South African Airways : « une entité minée par la corruption et la fraude » durant les années Zuma.

Les membres de la commission Zondo pointent également le rôle de l’ancien président dans le démantèlement de l’administration fiscale sud-africaine et fait part d’abus dans l’attribution des marchés publics. En conséquence, les auteurs du rapport émettent plusieurs recommandations comme la publication d’une charte nationale contre la corruption dans les marchés publics, la création d’une agence anticorruption indépendante, ou encore la modification de la législation sur le financement des partis politiques.

Mais la commission n'ayant qu'un rôle consultatif, des questions se posent sur la suite qui va être donné à ces recommandations. Sur un plan judiciaire, les conclusions de ce rapport pourront être transmises au parquet pour d’éventuelles poursuites.

Sur le plan politique, Cyril Ramaphosa en dira plus une fois que l'ensemble des documents auront été transmis au parlement, car les deux rapports suivants doivent être publiés fin janvier et fin février. Mais le président sud-africain, qui a fait de la lutte contre la corruption une priorité de son mandat, s’est d’ores et déjà engagé à suivre les recommandations de la commission. « C'est un moment décisif dans nos efforts pour mettre définitivement un terme à l'ère de la corruption d'État », a déclaré le président sud-africain lors de la remise de ce rapport.

Le président Cyril Ramaphosa sait qu'il doit regagner la confiance de ses concitoyens. « La capture d'État a endommagé la confiance que les gens ont dans l'État de droit, dans les institutions publiques, dans les forces de l'ordre et plus largement dans le processus démocratique. C'est pourquoi le travail de cette commission est si essentiel », a-t-il déclaré.

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Nicolas Pons-Vignon, chercheur à l'université du Witwatersrand, et professeur à la Haute École spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI) à Lugano, sur les conséquences de ce rapport

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