Sanctions de la Cédéao: une situation intenable pour l’économie malienne

Les sanctions économiques et financières adoptées par les dirigeants de la Cédéao sont très lourdes pour le Mali. Le gel des avoirs maliens, la suspension des transactions avec Bamako et la fermeture des frontières provoque effectivement l'inquiétude.

Vue du siège de la Banque centrale d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) à Bamako, Mali. (Image d'illustration)
Vue du siège de la Banque centrale d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) à Bamako, Mali. (Image d'illustration) © AFP - Annie Risemberg
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Ces sanctions ne sont pas supportables. La Cédéao a mis l'économie malienne dans une situation intenable. Le pays n'a plus accès à ses comptes logés à la BCEAO, la Banque centrale régionale. C'est exactement comme si un particulier ne pouvait plus accéder à son compte en banque ou à son portefeuille d'argent électronique. Il ne peut donc dépenser que ce qu'il a en poche. L'État malien ne pourra plus dépenser que ce qu'il a mis en réserve au Trésor public.

« En réalité, cela asphyxie l'économie malienne. Et il y a de fortes chances qu'au bout d'un ou deux mois, nous ne puissions même plus payer les salaires de nos fonctionnaires. En tous cas, il n'y aura plus d'injection monétaire de la part de la BCEAO dans l'économie malienne. Donc nous allons fonctionner essentiellement avec la liquidité en circulation et les dépôts au niveau des banques secondaires », explique Etienne Fakaba Sissoko, professeur d'économie et chercheur au Centre d'analyses politiques, économiques et sociales du Mali.

Le Malien moyen aura toujours accès à son compte bancaire et pourra y faire des retrait. Mais si un agent économique doit être payé en chèque par exemple par une autre banque, il ne pourra malheureusement rentrer en possession de cet argent que s'il va dans cette banque-là pour toucher le chèque [...] Depuis ce matin, il y a de la queue [devant les banques] et au niveau des marchés, c'est la même chose, c'est la panique qui s'installe

Etienne Fabaka Sissoko: «vous voyez l'affluence au niveau des banques maliennes»

Une économie qui va devoir vivre financièrement en autarcie. Compliqué quand on sait que 60% du commerce extérieur du Mali se fait avec les pays voisins, et ce commerce est désormais réduit à néant. Alors, certes, il y a des exemptions pour les produits de base, les équipements médicaux, les hydrocarbures et l'énergie. Mais encore faut-il disposer de fonds et devises pour les acheter.

L'import export risque donc d'être l'un des secteurs les plus fortement touchés. Allongement des délais de livraison, augmentation des coûts de transport et de transits, retards possibles de livraison... Moussa Diarra, à la tête de la société Recoma, se prépare aux conséquences de ces mesures, tout en réfléchissant à des solutions.

« Il y a déjà une perturbation due à la pandémie et la pluie de sanctions va accentuer cette perturbation. Il y aura un impact mais il sera contenu. Ce n’est pas la première fois, puisque lors du coup d’Etat qui a renversé le président ATT il y avait déjà eu des sanctions de la Cédéao contre le Mali et je me souviens, les commerçants se sont regroupés, on s’est parlé et on s’est dit : "il faut pas que l’approvisionnement du pays soit coupé, il faut qu’on joue notre rôle patriotique. Et voilà ceux qui déchargeaient à tel port, allez plutôt à tel autre port qui est 1000 km plus loin." Et on est passé par le port de la Guinée, de la Mauritanie, du Ghana. Il y a tous ces pays qui ont des espaces réservés au Mali. Il est possible de s’adapter, de faire autrement. »

L'incertitude la plus totale règne aujourd'hui à Bamako et les consommateurs le sentent puisque depuis ce lundi matin des files d'attentes se sont formées devant les banques et dans les grands marchés. Les gens font des provisions comme ils le peuvent, et s'attendent à des semaines difficiles sur le plan économique.

Assis derrière son bureau Ibrahima Sory Dembélé égrène les documents de ses dernières commandes. Commercant dans le domaine de l’import export, il fait ses comptes et tente de quantifier l’impact de la fermeture des frontières de l’espace Cédéao sur ses activités.

Reportage à Bamako : les commerçants pessimistes

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