Cameroun: des journalistes sous le choc après l’assassinat de Martinez Zogo
Au Cameroun, c’est le choc après la mort de Martinez Zogo. Le corps de l'animateur et directeur de la radio Amplitude FM a été découvert, dimanche 22 janvier, dans un quartier périphérique de Yaoundé. Des journalistes sont venus lui rendre hommage à sa station. Près d'une centaine d'entre eux sont allés rencontrer lundi 23 janvier le ministre de la Communication René Emmanuel Sadi pour lui exiger la justice. Le ministre s'y engagé, mais la confiance n'est pas vraiment acquise sur la question.
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Avec notre correspondant à Yaoundé, Polycarpe Essomba
Dans cette salle de rédaction d’Amplitude FM, depuis le matin, ce ne sont que pleurs et lamentations. Une nuée de journalistes a pris d’assaut les lieux. « Ce qu’on vit actuellement avec le cas de l’assassinat de Martinez Zogo est proprement impensable, lâche l’un d’entre eux. On croyait avoir traversé les pires moments de l’histoire de la presse camerounaise. On a vécu les années de braise ici dans ce pays, je pense qu’on n’a pas atteint un tel degré d’horreur. »
« C’est difficile, ça fait surtout peur, qu’on en soit à un tel niveau de déshumanisation », ajoute un autre.
En studio, de la musique religieuse est diffusée en boucle. Il est plus de 10h et normalement à cette heure-là, Martinez Zogo est sur les ondes. Son réalisateur est bien en poste, mais le siège de l’animateur de l’émission « L’Embouteillage » est désespérément vide. « À cette heure-ci, je devrais être à l’antenne, afin de vérifier ce qui allait suivre, détaille-t-il. À 10h50, il parlait à la République et on attendait la prochaine pause qui intervenait vers 11h20. Il arrivait à 9h30, il venait nous demander si tout allait bien parce qu’il commençait comme ça. »
À l’extérieur, la foule de journalistes éplorés continue à grossir. Des centaines d’auditeurs du journaliste se joignent à eux, avec un bouquet de fleurs ou une bougie.
Je veux seulement qu'on enterre mon petit frère dans la dignité.
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Le gouvernement s'engage à faire toute la lumière sur le drame
Lundi, près d’une centaine de journalistes sont allées à la rencontre du ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi. Les échanges entre le ministre de la Communication et la délégation des journalistes venus spontanément à sa rencontre ont duré près de deux heures. Ils avaient pour principale réclamation, que justice soit faite pour Martinez Zogo.
« Nous sommes venus demander, mieux, réclamer justice pour notre confrère Martinez Zogo qui a été assassiné dans des conditions innommables et indescriptibles, explique Haman Mana, directeur de publication du quotidien le Jour. Le ministre nous a dit que la justice républicaine passera. Nous espérons que ce sera le cas. »
Mais si le ministre a montré de l’écoute selon ses interlocuteurs, plusieurs journalistes, forts des expériences du passé, disent douter de la bonne foi du gouvernement à faire toute la lumière sur cette tragédie. Jean-Bruno Tagne, de Naiya TV, en fait partie :
« Malheureusement, le passé de ce pays nous inquiète. On a eu plusieurs affaires comme ça qui jusqu'aujourd’hui ne sont pas élucidées, et on a peur. Donc, monsieur le ministre devra aller beaucoup plus loin que cela. Il a montré beaucoup de bonne volonté, mais on attend des actes. Que toute la lumière soit faite autour de ce crime, mais j'en doute. »
La mobilisation va se poursuivre, annoncent-ils, avec d'autres actions qu'ils se sont gardé de révéler. Toutes concourants aux mêmes objectifs : que les résultats des enquêtes soient rendus publics, les responsables formellement identifiés et punis.
Une délégation de journalistes camerounais se sont rendus au ministère pour réclamer justice pour Martinez Zogo
« C'est le cas de trop »
Cyrielle Rolande Bechon, directrice de l'ONG camerounaise Nouveaux droits de l'Homme, demande aux autorités des réponses :
Je crois que les Camerounais demandent à savoir la vérité sur ce cas. On pense que c’est le cas de trop. Nous voulons croire encore que le Cameroun est un État de droit. On veut croire à cette lueur qui est qu’il y a quand même des gens qui dirigent ce pays et que ces gens-là n’ont pas pour vocation de semer la terreur, mais qu’ils ont effectivement quelque part, dans le fond, envie de préserver un État, et que toutes les personnes, impliquées d’une manière ou d’une autre dans cette affaire doivent répondre de leurs actes
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