Au Costa Rica, les élections du Nicaragua observées par les exilés d'Ortega
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Ce dimanche 7 novembre, les Nicaraguayens sont appelés à choisir les députés de l'Assemblée nationale et à élire le chef de l'État. Sept adversaires potentiels de Daniel Ortega sont en prison, accusés de trahison envers la patrie. D’autres se sont réfugiés dans le pays voisin, le Costa Rica. À San José, RFI a pu rencontrer certains opposants.
Avec notre envoyée spéciale à San José, Marie Normand
Dans un Nicaragua qui a pris un fort virage autoritaire ces dernières années, le président de la République Daniel Ortega brigue ce dimanche 7 novembre un quatrième mandat en compagnie de sa femme, la vice-présidente Rosario Murillo. Il est accusé d'avoir éliminé toute concurrence crédible, rendant sa réélection inéluctable.
► À relire : Avant les élections au Nicaragua, les voix critiques en prison ou en exil
L'Assemblée nationale du Nicaragua, qui est acquise au président, a voté plusieurs lois l'an passé et cette année. De fait, ces dernières permettent d’incarcérer toute voix critique. Les élections se déroulent donc ce dimanche sans opposition, sans observateurs, et pilotées par des autorités électorales qui sont liées au couple Ortega-Murillo.
Les opposants réfugiés au Costa Rica organisent une marche
À San José, dans le Costa Rica voisin, certains de ses opposants acceptent les interviews, mais d’autres se font plus discrets, car tous se cachent, ici. Ces membres de l'opposition nicaraguayenne changent régulièrement d’adresse – d'après eux, la surveillance de leur gouvernement ne s'est pas arrêtée à la frontière.
Ils peuvent compter sur la solidarité de tout un réseau d’exilés. Les politiques ne sont pas les seuls à avoir souffert de la répression : RFI a pu rencontrer des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes, des médecins qui ont fui leur pays, persécutés pour avoir critiqué la gestion du gouvernement ou simplement informé, ou encore partagé un article sur les réseaux sociaux.
A San José, on croise aussi d’anciens alliés du président Ortega, des défenseurs des droits de l’homme en exil ou des médecins qui ont fui après avoir critiqué la gestion de la crise Covid-19. Plusieurs lois votées en 2020 permettent de faire arrêter quasiment n’importe qui. @RFI pic.twitter.com/SlbZkwv3iO
— Marie Normand (@normandmarie) November 5, 2021
Plus de 100 000 Nicaraguayens de tous les secteurs ont déposé une demande d’asile au Costa Rica.
Susana vit en exil au CostaRica. Pour avoir réclamé justice pour son fils tué par la police en 2018, elle se dit persécutée au #Nicaragua. Même à San José, elle se méfie: «je regarde toujours les pieds des gens en premier: les paramilitaires ne quittent jamais leurs bottes». @RFI pic.twitter.com/lssizUFVzI
— Marie Normand (@normandmarie) November 6, 2021
Une opposition qui se veut combative. Elle organise une grande marche ce dimanche matin à San José. Plusieurs milliers de personnes sont attendues pour demander la libération des prisonniers politiques et le boycott d'un scrutin.
« Beaucoup de déclarations à l’étranger, mais peu d’actes »
Ana Quirós fait partie du comité d'organisation de la marche de San José. « Peut-être que les gens vont voter, mais ils ne vont pas choisir », observe cette militante féministe, concernant les électeurs restés au pays. Elle rappelle que le jeu est biaisé. De fait, 39 militants de l'opposition sont en prison, dont sept candidats à la présidentielle.
Quant aux autres, ils sont très surveillés, particulièrement en ce jour de scrutin. Ils ont été avertis, explique Mme Quirós, qu'ils seraient arrêtés s’ils tentaient la moindre action ce dimanche au Nicaragua. Alors selon elle, l'opposition en exil se doit de les soutenir et d'appeler au boycott de l'élection.
C'est très important pour les gens au Nicaragua de savoir que leur silence est compensé par nos cris, par notre voix
Un cri en direction de la communauté internationale également, appelée à ne pas reconnaître les résultats du scrutin. Pour l’heure, regrette la militante, « beaucoup de déclarations à l’étranger, mais peu d’actes ».
Au total, 25 manifestations sont organisées à travers le monde pour dénoncer ce scrutin que certains qualifient de « mascarade ».
J'utilise plutôt l’expression « pantomime ». Parce que c'est un cirque ! On ne peut même pas parler de fraude électorale : quand il y a fraude, c’est qu’il y a des concurrents et un décompte des votes truqué. Mais dans le cas de ce scrutin, on ne peut pas parler de fraude. C'est un combat de boxe lors duquel le boxeur a laissé son adversaire enfermé à l'extérieur du gymnase, où l'arbitre est un employé du boxeur, et où seuls les partisans de ce dernier ont pu pénétrer dans le gymnase, de telle sorte qu’il est le seul combattant. C'est une mascarade
Pour l’économiste et ancien député nicaraguayen Enrique Saenz, ce scrutin ne peut en aucun cas être qualifié d’élection
► Écouter aussi : Une exposition au Costa Rica rend hommage aux prisonniers politiques du Nicaragua
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