Sommet virtuel entre Joe Biden et Xi Jinping: un entretien pour détendre l’atmosphère?

Joe Biden et Xi Jinping ont effectué, lundi 15 novembre au soir pour le premier, mardi midi pour le second à cause du décalage horaire, un sommet virtuel très attendu, le président américain soulignant le besoin de « garde-fous » pour éviter « un conflit » entre les deux pays et le président chinois plaidant pour une meilleure « communication ».

Photo montage du président américain Joe Biden à Washington, le 6 novembre 2021, et de son homologue chinois Xi Jinping à Brasilia, au Brésil, le 13 novembre 2019.
Photo montage du président américain Joe Biden à Washington, le 6 novembre 2021, et de son homologue chinois Xi Jinping à Brasilia, au Brésil, le 13 novembre 2019. AP - Alex Brandon, Eraldo Peres
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Xi Jinping et Joe Biden se connaissent depuis longtemps, rapporte notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin. Les deux hommes n’étaient pas encore au sommet du pouvoir, mais ils passaient des heures à parler lors des voyages de Joe Biden en Chine, alors qu’il était membre du Congrès.

Ils ont donc pris le temps à nouveau – près de quatre heures –, mais le numéro un chinois a beau saluer son « vieil ami », un qualificatif que Joe Biden démentait dès le mois de juin, les relations personnelles ne pèsent pas vraiment lourd face aux intérêts de deux grandes puissances rivales.

Comme les thérapies de couple, il faut souvent plusieurs séances avant de retrouver des points d’accord, relate notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde. La presse d’État chinoise s’est empressée de rapporter les sourires échangés en préambule de cette rencontre, dans un décor solennel, cheminée de la Maison Blanche côté américain, peinture traditionnelle sur un mur du Grand palais du peuple côté chinois, qui contraste avec le ton presque badin des retrouvailles.

Les deux leaders le savent et Joe Biden n’essaie pas de dire le contraire lorsqu’il explique qu’il ne faut pas que la compétition entre les deux pays dégénère, intentionnellement ou pas d’ailleurs, et qu’il faut mettre en place des garde-fous de bon sens pour l’éviter.

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Un point d’intérêt commun malgré tout ?

Le président américain a donc lancé une discussion ouverte et franche sur ce qui ne va pas, selon lui, dans l’attitude chinoise, comme les divergences profondes sur la question de Taïwan, les droits de l’homme au Xinjiang et la militarisation de la mer de Chine méridionale.

Chacune des parties a conscience qu’un dérapage militaire dans les mers de Chine entraînerait une catastrophe. « Chine et États-Unis doivent se respecter et coexister en paix », a souligné Xi Jinping, dont l’élévation du statut au sein du Parti communiste chinois a accéléré la rencontre, le numéro un chinois étant désormais plus que décisionnaire dans les futurs choix stratégiques de son pays.

Joe Biden a exprimé ses « préoccupations » à propos des droits humains en Chine et a lancé une mise en garde concernant Taïwan, selon un communiqué de la Maison Blanche mardi. Le président américain a exprimé ses « préoccupations à propos des pratiques (de la Chine) au Xinjiang, au Tibet et à Hong Kong, et des droits humains en général ». Il a aussi indiqué que les États-Unis restent fidèles à la politique de la « Chine unique », et « s'opposent fermement » à toute tentative « unilatérale de changer le statu quo ou de porter atteinte à la paix et à la stabilité dans le détroit de Taïwan », selon le texte publié à l'issue de la rencontre.

Vendredi dernier, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a rappelé avec force l’opposition de Pékin à l’indépendance de l’île. Des déclarations suivies, la veille du sommet, par des « exercices de bombardement dans les eaux au large de la province insulaire du sud de Hainan », comme le mentionne le communiqué de l’Armée populaire de libération. Le terme de « respect », que Pékin considérait comme entaché par les évolutions sémantiques récentes autour de « l’ambiguïté stratégique » américaine à l’égard de Taipei, a été évoqué à maintes reprises. Cette fois, « le président Joe Biden a rappelé, selon la Maison Blanche, que les États-Unis restaient attachés à la politique d’une seule Chine », autrement dit au statu quo. Tout en mettant en garde la Chine contre les « efforts unilatéraux pour changer le statu quo ou saper la paix et la stabilité dans le détroit de Taiwan ».

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Cela fait beaucoup de désaccords, mais comme tout ne peut pas être négatif, il faut bien souligner ce qui peut être un point d’intérêt commun : le changement climatique, par exemple. Les deux pays ont créé la surprise à la COP26 en se mettant d’accord pour travailler ensemble sur le sujet.

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Si ce troisième échange de l’année via écrans interposés entre Xi Jinping et Joe Biden n’a pas permis de gommer les différences, il améliore, selon la partie chinoise, « la compréhension mutuelle » entre les deux pays. Le mot « responsabilité » a été prononcé plusieurs fois : « Au cours des 50 prochaines années, la Chine et les États-Unis doivent trouver le moyen de s’entendre, c’est la chose la plus importante dans les relations internationales », a affirmé le numéro un chinois à la fin de l’échange. Et d’ajouter : « Tout ce qu’un responsable politique fait, qu’il s’agisse de mérites ou de fautes, est enregistré par l’Histoire ».

« Ce n’est pas non plus une lune de miel »

« Les résultats ne sont pas probants, mais le simple fait que cette rencontre virtuelle se soit tenue est déjà un signe relativement engageant, analyse Marc Julienne, expert de la Chine auprès de l'IFRI, au micro de Heike Schmidt du service international de RFI. Et dans le contexte de crise et de montée des tensions, ces derniers mois entre les deux plus grandes puissances mondiales, c’est quelque chose qui est plutôt rassurant, plutôt satisfaisant. Ce n’est pas non plus une lune de miel, on n’est pas dans une réconciliation entre les États-Unis et la Chine. L’idée est de renouer le dialogue, de poser sur la table les éléments problématiques et ceux sur lesquels les deux puissances pourront coopérer ou en tout cas avancer. Et donc il est évident que le Xinjiang, Hong-Kong, sont des sujets qui demeureront difficiles.
Maintenant, Taïwan est vraiment très au-dessus, puisque c’est vraiment un centre de tensions très fortes, voire même de frictions entre les deux puissances. Et après, il y a beaucoup d’autres sujets à l’agenda, comme les questions commerciales, les questions technologiques, qui sont aussi très importantes. Donc, cela va permettre peut-être de relancer des discussions à un niveau ministériel et d’avancer sur certaines questions.
Nul ne nie le fait que les deux puissances sont en compétition. Maintenant, cette compétition doit être encadrée et autant que possible pacifique. Aucune des deux parties n’a d’intérêt à entrer dans un conflit frontal et militaire. Ni les Américains, ni les Chinois ne veulent, par exemple, déclencher un conflit sur Taiwan. 
»
 

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