Chili: un pays profondément divisé après le premier tour de la présidentielle
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Au Chili, les électeurs ont voté pour le premier tour de la présidentielle, hier, dimanche 21 novembre, pour désigner un successeur au conservateur Sebastian Piñera. Le résultat montre un pays profondément divisé.En tête, les Chiliens ont porté le candidat d'extrême droite José Antonio Kast, un avocat de 55 ans, nostalgique de Pinochet et porteur d’un programme ultra conservateur. Face à lui, se trouve Gabriel Boric, 35 ans à peine, le candidat de la gauche progressiste, partisan de la mise en place d'un État providence « à l'européenne ».
On peut dire que le Chili a tourné une page de son histoire politique hier, écrit notre envoyé spécial au Chili, Raphaël Moran. Les deux coalitions qui se sont partagé le pouvoir depuis la fin de la dictature disparaissent derrière deux candidatures plus radicales. Le candidat d’extrême droite José Antonio Kast, d’abord, qui se pose en héritier de Pinochet, et qui a su récupérer les voix de la droite de gouvernement, très affaiblie par l’impopularité du président Piñera.
Kast accède au second tour avec près de 28% des voix : il a fait campagne sur le retour à l’ordre dans les rues, contre le droit à l’avortement il se pose en candidat de la liberté contre le communisme. Devant ses partisans, réunis dans les quartiers chics de Santiago, le candidat d'extrême droite a de nouveau insisté sur la sécurité et attaqué son concurrent Gabriel Boric, « la seule candidature présidentielle qui représente une alternative pour faire face aux narcotrafiquants et aux délinquants, la seule option qui mettra fin au terrorisme, c'est notre candidature. Il n'y en a pas d'autre. Car Gabriel Boric et le parti communiste veulent grâcier les vandales qui détruisent. Gabriel Boric et le parti communiste ont dit eux-même qu'ils souhaitent l'instabilité pour notre pays, et qu'ils veulent continuer sur le chemin de la haine, de l'intolérance, et de la destruction. Cela doit se terminer », lance-t-il au micro de notre correspondante à Santiago, Justine Fontaine.
« Résultat douloureux »
Il est talonné par Gabriel Boric (25,71% des suffrages), l’ancien leader étudiant, figure de cette nouvelle gauche qui veut satisfaire les revendications de justice sociale exprimées depuis les grandes mobilisations de 2019 : « Nous allons mener à bien les transformations structurelles auxquelles nous aspirons pour en finir avec le système injuste des fonds de pensions, et pour un système de santé juste et digne », dit-il ainsi. Son mouvement fait une percée importante à la Chambre des députés également. Mais, face au score inattendu de l'extrême droite, les partisans de l'ancien leader étudiant ne cachent par leur inquiétude devant la publication des résultats du premier tour: pour Sebastian (34 ans), « c'est un résultat douloureux étant donné le processus historique que l'on vit au Chili. C'est contradictoire que l'extrême droite ait obtenu un résultat aussi élevé. Cependant, le fait que nous soyons là, les partisans de Gabriel Boric, ouvre l'espérance d'inverser la tendance pour pousser avec ardeur les changements que la société chilienne mérite ». De son côté, Alexandra (19 ans) dit sentir que ce pays a besoin de changement, et « Gabriel Boric incarne ce changement. Lorsqu'on vit dans un système économique comme celui-ci, sa candidature est une alternative durable et avec une perspective intersectionnelle et précieuse ».
Pour le quadra Patricio, c'est quand même « inquiétant que soit arrivé en tête le représentant du fascisme, l'héritier de la dictature de Pinochet qui a dit il y a quelques semaines qu'il avait mené un bon gouvernement et qu'on n'avait arrêté personne sous son régime. Mais j'ai confiance en les électeurs qui ont voté pour les candidats démocrates comme Artés, Marco Enrique Ominami ou Yasna Provoste afin qu'ils comprennent qu'on ne peut pas avoir un fasciste comme Kast au palais présidentiel de La Moneda. Donc j'espère que ces votes iront vers Gabriel Boric le 19 décembre au second tour car il représente le changement dans la société. »
Et maintenant le deuxième tour
Face à ses partisans, Gabriel Boric, allié au parti communiste, a bien insisté sur la nécessité de rassembler au-delà des cercles de la gauche militante. Il a reçu le soutien du candidat progressiste Marco Enriquez Ominami, mais on ne sait pas encore s’il va pouvoir compter sur le soutien explicite de la centriste Yasna Provoste, ancienne ministre de Michelle Bachelet.
Un candidat a créé la surprise : Franco Parisi qui a fait toute sa campagne depuis les États-Unis, sans même se rendre au Chili à cause de problèmes avec la justice. Avec près de 13% des voix, son soutien à l’un ou l’autre des candidats pourrait peser lourd.
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