Elections / Pakistan

Les élections pakistanaises en cinq questions-réponses

Portrait de Nawaz Sharif, favori des élections législatives pakistanaises. Peshawar, le 7 mai 2013.
Portrait de Nawaz Sharif, favori des élections législatives pakistanaises. Peshawar, le 7 mai 2013. REUTERS/Fayaz Aziz

85 millions de Pakistanais se rendront aux urnes le 11 mai pour élire leur nouveau Parlement. Dans quelles conditions s’effectue la transition démocratique dans un pays abonné à la loi martiale ? Quels sont les partis en lice ? Les attentes de la population ? Les enjeux ? RFI répond.

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Qu’est-ce qui fait la singularité de ces élections législatives pakistanaises de 2013 ?

Ce sont des élections historiques car pour la première fois au Pakistan une législature de cinq ans est allée jusqu’à son terme normal, ouvrant la voie à un nouveau scrutin législatif. Elue démocratiquement en 2008, la coalition sortante emmenée par le parti du centre-gauche le PPP (le Parti du peuple pakistanais) a pu terminer son mandat et s’apprête à transmettre le pouvoir au gouvernement qui sera issu des élections du 11 mai. C’est une première dans ce pays abonné aux coups d’Etat militaires.

Depuis sa création en 1947, le Pakistan a en effet connu à trois reprises la dictature militaire qui a sonné le tocsin pour des régimes civils en place, la dernière fois en 1999 avec le coup d’Etat du général Pervez Musharraf. La démocratie a été restaurée en 2008 suite aux élections qui ont été remportées par le PPP dirigé par Asif Ali Zardari. Celui-ci avait succédé à la tête du parti après la disparition brutale de son épouse Benazir Bhutto, morte assassinée pendant la campagne électorale.

Le PPP, qui a géré le pays pendant cinq ans sous la direction de Zardari devenu entre temps président du Pakistan, s’est révélé particulièrement corrompu et incapable de stopper la recrudescence du sectarisme sanglant qui a visé notamment les minorités religieuses et ethniques. Le gouvernement sortant est toutefois crédité d’avoir enraciné la démocratie, en limitant les pouvoirs du président et en accroissant les compétences des assemblées provinciales.

Comment s’organise le scrutin ?

Se conformant à la tradition qui veut que le gouvernement démissionne deux mois avant les législatives et qu’une administration intérimaire de technocrates soit nommée pour assurer l’impartialité du scrutin, la coalition au pouvoir à Islamabad a démissionné le 17 mars dernier, en prévision des élections. Le gouvernement intérimaire est dirigé par une personnalité consensuelle, Hazar Khan Khusro, issue du corps judiciaire.

On dénombre 5 000 candidats pour les 272 sièges que compte le Parlement national pakistanais. Les candidatures sont validées par la Commission électorale qui, jouissant de la confiance des grands partis, s’est imposée comme une institution au-dessus de tout soupçon.

Quant à la population en âge de voter, son nombre s’élève à 84,4 millions, dont 31% sont âgés de 18 à 29 ans. Tous les instituts de sondages s’accordent à dire que c’est la participation massive annoncée de la jeunesse qui va déterminer l’issue de ce scrutin.

Qui en sont les principaux acteurs ?

Ils sont trois, sans compter les militaires et les juges activistes de la Cour suprême qui veillent au grain : le PPP (le Parti du peuple pakistanais) dirigé par l’actuel président du Pakistan Asif Ali Zardari et son jeune fils Bilawal Bhutto, la PML-N (Ligue musulmane du Pakistan) de l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif et le PTI (le Parti du Pakistan pour la Justice ou le Pakistan Tehreek-e-Insaaf) emmené par l’ancienne star du cricket Imran Khan. Le premier se situe à gauche et se définit comme une formation laïque, alors que les deux autres sont plutôt des partis conservateurs.

Le PPP et la PML-N dominent la vie politique pakistanaise depuis plus de 40 ans. Or leurs passages au gouvernement ont été entachés de scandales de corruption et de népotisme. A ceux-là s’ajoute pour le PPP au pouvoir depuis cinq ans, son mauvais bilan en matière économique et sécuritaire. L’usure du pouvoir du PPP pourrait profiter à son concurrent la PML-N de Nawaz Sharif qui a déjà été deux fois Premier ministre. Très populaire dans l’Etat du Punjab, bastion traditionnel de la Ligue musulmane, Sharif souffre cependant de son implantation limitée dans le reste du pays et devra s’allier avec des formations locales pour renforcer ses positions dans les autres Etats.

Mais cette année, la principale menace aux deux grands partis de l’establishment vient du PTI d’Imran Khan qui représente la troisième voie. L’ex-gloire nationale du cricket, ce sexagénaire charismatique s’est recyclé en patriote et islamiste et a su séduire la classe moyenne en dénonçant la corruption des élites et le bombardement du territoire national par les drones américains. Il se propose de négocier avec les Talibans, s’il est élu, pour mettre fin au terrorisme et puiser dans l’intouchable budget militaire pour créer un « Etat-providence islamique » ! L’homme est surtout crédité d’avoir modernisé la campagne électorale en investissant les réseaux sociaux. Le site Facebook du PTI est le site le plus visité du Pakistan. L'immense vague de sympathie suscitée par l'accident grave dont Khan a été victime pendant les derniers jours de la campagne témoigne de la popularité grandisssante de cet homme que ses détracteurs qualifiaient il y a encore deux mois de « sportif dénué d'instinct politique ».

Quels sont les enjeux de ces élections ?

Ils sont politique, économique et sécuritaire. Malgré son inscription dans le temps, la démocratie demeure fragile au pays des Purs. D’autant plus fragile que le petit peuple n’y trouve guère son compte, comme vient de le rappeler une enquête d’opinion réalisée auprès des jeunes Pakistanais par le British Council. Seulement 29% des sondés font confiance à la démocratie et 94% estiment que leur pays est mal parti. Une enquête qui ne manquera pas d’interpeller les décideurs d’Islamabad et de Karachi.

Autre sujet d’inquiétude, l’économie. Elle est dans une situation catastrophique avec seulement 1% de la population s’acquittant de l’impôt sur le revenu. Les réserves de devises sont tombées à leur plus bas niveau et assurent à peine deux mois d’importations. Confronté à une sévère crise de la balance des paiements, le Pakistan ne pourra pas faire autrement que de solliciter auprès des organisations multilatérales un emprunt substantiel (de l’ordre de 9 milliards de dollars) pour éviter la banqueroute.

Enfin, last but not least, le prochain gouvernement aura à gérer le retrait des troupes de l’OTAN de l’Afghanistan voisin qui aura inexorablement des répercussions sur la sécurité du Pakistan.

Comment s’explique le déchaînement de violences dont les Pakistanais sont victimes depuis le début de la campagne électorale ?

Selon les observateurs, c’est la campagne électorale la plus sanglante que le Pakistan ait connue de son histoire. Depuis le début formel de la campagne le 21 avril, les attentats ont fait plus d’une centaine de morts et des milliers de blessés. Ces agressions perpétrées par les Talibans pakistanais réunis au sein du mouvement Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP) visent en particulier les rassemblements organisés par les partis laïcs, notamment le PPP et ses alliés.

Les Talibans appellent les Pakistanais à boycotter les élections. Pour autant, les partis conservateurs tels que la PML de Nawaz Sharif ou le PTI d’Imran Khan qui prennent part aux élections du 11 mai, n’ont pas été inquiétés. Le porte-parole du TTP a déclaré aux journalistes que les Talibans s’opposaient à la laïcité et à la démocratie car celles-ci sont fondées sur des notions anti-islamiques. « Les lois et les valeurs de l’islam découlent d’Allah tout-puissant, alors que les doctrines de la laïcité ont été énoncées par Rousseau, Kant et Bentham », a-t-il déclaré.

Les attentats ont empêché les formations visées de faire campagne normalement, incitant leurs adhérents à s’interroger sur la légalité du scrutin.

Les élections au Pakistan

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