PAKISTAN

Le Pakistan fin prêt pour la tenue d'élections générales décisives

Les Pakistanais s'activent pour la logistique du scrutin. Peshawar, le 10 mai 2013.
Les Pakistanais s'activent pour la logistique du scrutin. Peshawar, le 10 mai 2013. REUTERS/Fayaz Aziz

48 millions d’hommes et 37 millions de femmes sont appelés à voter ce samedi 11 mai 2013 au Pakistan, pour élire leurs députés dans les assemblées nationale et provinciales. 272 seront élus directement par la population, 70 autres au scrutin proportionnel. 60 sièges sont réservés aux femmes et 10 aux minorités religieuses (chrétiens, hindous).

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De notre envoyé spécial à Lahore

C’est la première fois qu’un gouvernement civil arrive à achever son mandat de cinq ans sans être mis à bas (par un coup d’Etat militaire par exemple). Et cette fois, tout a été fait pour que ces élections se déroulent le mieux possible. Beaucoup de garde-fous ont été mis en place pour que l’élection se déroule de la manière la plus constitutionnelle possible.

Un Premier ministre intérimaire a ainsi été nommé pour que ce soit un technicien qui gère les affaires courantes, quelqu’un au-dessus des partis. Christophe Jaffrelot, chercheur au Centre d'études et de recherche internationales (CERI), explique ainsi qu’en 1977, « lorsque Zulfikar Ali Bhutto avait organisé des élections anticipées, l’opposition avait boycotté le scrutin parce que les élections étaient truquées de manière trop évidente, parce que Bhutto était toujours Premier ministre et c’est ça qu’on a voulu éviter. »

Une étape

Au Pakistan, la population estime que si les élections se passent bien, la démocratie dans le pays franchira un cap. Mais les talibans pakistanais, qui ne veulent pas de la démocratie au Pakistan, jouent les trouble-fête. Depuis des semaines, ils attaquent les candidats des partis laïcs de la coalition sortante (attentats à la bombe, mitraillages…) et ont déjà averti les électeurs, ce vendredi par l'intermédiaire d'un porte-parole, qu'ils seraient avisés « d'éviter les bureaux de vote ».

On en est déjà à plus de 110 morts en un mois. Azizur Rehman Chan, l'un des candidats à Lahore du PPP, le parti au pouvoir, regrette ainsi que « le PLM-N de Nawaz Sharif et le PTI d’Imran Khan, qui sont connus pour être des partis de droite puissent faire campagne dans les endroits les plus dangereux, alors que nous, nous avons été forcés de réduire nos meetings pour ne pas faire courir de risques aux gens. Il y a de fortes chances que ça ait un impact sur les résultats. »

Des officiers de police inspectent un bureau de campagne du PPP après l'explosion d'une bombe à Quetta, vendredi 10 mai 2013.
Des officiers de police inspectent un bureau de campagne du PPP après l'explosion d'une bombe à Quetta, vendredi 10 mai 2013. REUTERS/Naseer Ahmed

L’analyste politique pakistanais Syed Farooq Hasnat estime qu’« il ne faut pas analyser ces violences en termes de partis laïcs contre partis religieux ». Car il y a quelques jours, les candidats du parti islamique Jamaat-e-Ulema-e-Islam ont été aussi visés. Selon lui, le groupe terroriste Tereek e-Taliban Pakistan attaque plutôt les partis qui s’étaient déclarés en faveur de la guerre en Afghanistan et contre les positions des talibans.

En 2008, lors de la précédente élection, la campagne avait été aussi marquée par des violences : la candidate et ancienne Première ministre Benazir Bhutto avait été assassinée. Et l’année précédente avait été la pire en terme d’attaques-suicide et de violences. Toutes les provinces avaient été visées. Mais, souligne Syed Farooq Hasnat, « les gens étaient venus voter en nombre, avec leurs enfants, les femmes aussi étaient venues, et je crois que c’est le message que nous devons envoyer à ces groupes extrémistes : les Pakistanais ne sont pas effrayés par ces tactiques, et cette année aussi ils vont voter. »

La crise énergétique

Mais les violences n’ont pas été le sujet principal de la campagne. Ce qui a fait débat, c'est plutôt la crise énergétique qui affecte le pays depuis des années. Le Pakistan a besoin de beaucoup plus d’énergie qu’il n’en produit, et comme le gouvernement ne paye pas l’électricité aux compagnies, elles la coupent plusieurs heures par jour.

Pervez Thair, ancien économiste en chef du Pakistan, explique ainsi que « ces cinq dernières années, à cause de la crise énergétique, la croissance des entreprises a été ou négative ou en dessous des 2 %... Elle affecte aussi la vie du Pakistanais moyen, je peux vous donner mon propre exemple : tous les jours, je dois m’organiser en fonction des coupures d’électricité, même pour prévoir mon petit-déjeuner ou faire mon pain. »

La question a été abordée dans les meetings des grands partis. Les candidats demandaient même aux gens dans le public de lever la main en fonction du nombre d’heures pendant lesquelles ils se retrouvaient sans électricité chaque jour dans leur quartier : 8 heures ? 10 heures ? « Par contre, précise Pervez Thair, je ne suis pas sûr que ces politiques aient vraiment des solutions… »

Une star

Autre grand sujet : la corruption, sur laquelle a joué l’homme qui a été la sensation de cette campagne, à savoir l’ancien joueur de cricket Imran Khan, le candidat du Mouvement pour la justice (PTI). Imran Khan a mis la jeunesse de son côté, et ce n’est pas à prendre à la légère puisque samedi, 25 millions de jeunes vont voter pour la première fois.

Imran Khan à Karachi le 7 mai 2013.
Imran Khan à Karachi le 7 mai 2013. REUTERS/Athar Hussain

Aamin Yagoob étudie à la Government University of Lahore. Pour lui, le succès d’Imran Khan s’explique par son statut de « nouvel homme » - même s'il a créé son parti à la fin des années 1990 -, ou en tout cas d’homme qui n’a jamais été au gouvernement, à un moment où les jeunes ne veulent plus de ces mêmes familles qui ont le pouvoir au Pakistan depuis des dizaines d’années. Imran Khan a très bien compris ce désir, et a fait un appel du pied dans la direction de la jeunesse.

« Comme Imran Khan a donné 35 % des sièges que son parti brigue à des candidats jeunes, la jeunesse pense que seul Imran Khan mérite son vote, analyse Aamin Yagoob. Les autres candidats font semblant, lui traduit vraiment sa parole en actes. » Et Aamin Yagoob de préciser malicieusement que si les jeunes l’aiment aussi, c’est parce que « c’était un champion dans sa jeunesse, du coup les gens le considèrent toujours comme un jeune alors que ce n’est plus le cas ! »

Imran Khan est censé être le troisième homme dans cette élection. Le premier serait l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif et son parti le PMLN. Mais si le PTI d’Imran Khan arrive deuxième, beaucoup estiment à Lahore que ce serait un signe de changement.

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