Crise des sous-marins australiens: «Nous avons été francs, ouverts et honnêtes» dit Canberra

Le ministre australien de la Défense, Peter Dutton (notre photo), a récusé dans une interview à Sky News, les accusations françaises de traîtrise: «Nous avons été francs, ouverts et honnêtes».
Le ministre australien de la Défense, Peter Dutton (notre photo), a récusé dans une interview à Sky News, les accusations françaises de traîtrise: «Nous avons été francs, ouverts et honnêtes». MANDEL NGAN AFP/File

Dans l’affaire des sous-marins, Jean-Yves le Drian a accusé, samedi 18 septembre au soir, l’Australie de duplicité et estimé qu’il y avait désormais une crise avec ce pays, mais également avec les États-Unis. C’est justement dans ce pays que se trouve actuellement le ministre australien de la Défense, Peter Dutton, qui, pour sa part, assure que son gouvernement a toujours été franc et honnête avec la France.

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Le gouvernement australien persiste et signe, explique notre correspondant à Sydney, Grégory Plesse. Cette fois-ci par la voix de son très droitier ministre de la Défense, Peter Dutton, qui a récusé dans une interview à Sky News, les accusations françaises de traîtrise : « Nous avons été francs, ouverts et honnêtes. Nos préoccupations sont sur la place publique, tout le monde peut les vérifier. D’ailleurs, les Français étaient tellement inquiets qu’ils ont envoyé un amiral pour nous rencontrer il y a deux semaines. »

La technologie française ne répondait pas aux besoins australiens

Il a par ailleurs ajouté que même si la France avait été disposée à partager avec les Australiens sa technologie nucléaire - Paris reprochant entre autres à Canberra de ne même pas avoir posé la question - celle ci n’aurait pas pu répondre aux besoins de l’Australie. « Nous n’avons pas d’industrie nucléaire dans notre pays, indique Dutton. Or, le modèle français, le modèle Barracuda, doit être rechargé tous les 7 à 10 ans. Alors qu'avec la technologie employée par les Britanniques et les Américains, le réacteur reste opérationnel pendant toute la durée de vie du sous marin, soit 35 ans. »

S'exprimant sur la chaîne de télévision France 2, samedi 18 septembre, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait évoqué une « crise grave » et dénoncé une « duplicité » de Canberra et Washington. « Il y a eu rupture majeure de confiance, il y a eu mépris donc ça ne va pas entre nous », a encore déclaré le ministre français.

Dans les rangs de l’opposition travailliste australienne, cette crise de confiance avec Paris est prise au sérieux. Une inquiétude exprimée notamment par le député Mark Dreyfus : « Les Français ont été pris de court par cette décision. Et M. Morrison aurait dû en faire beaucoup plus pour protéger cette relation. Le gouvernement Morrison-Joyce doit nous expliquer ce qu’il compte faire pour réparer cette relation importante ». 

Les dégâts en effet, sont lourds. Le gouvernement français, qui s’apprête à prendre la présidence de l’Union européenne, estime que l’Australie n’est plus digne de confiance, et ce alors qu’un accord de libre-échange est en cours de négociation entre Canberra et Bruxelles. Par ailleurs, le rappel de l’ambassadeur à Paris est lourd de sens. Le seul autre précédent remonte à 1995, en pleine campagne d’essais nucléaires dans le Pacifique, une campagne qui avait déclenché un violent mouvement anti-français, d’une telle ampleur que la sécurité du personnel diplomatique en Australie paraissait compromise. 

À écouter aussi : Les sous-marins de la discorde

Avec ses homologues indien et japonais, le Premier ministre Scott Morrison australien, qui signale ne pas regretter « la décision de faire passer l'intérêt national de l'Australie en premier », se rendra à Washington la semaine prochaine pour une réunion du Quad, cette alliance dans l’Indo-Pacifique dont la France ne fait pas partie.

Un contrat qui inquiète

En Asie du Sud-Est, le contrat de sous-marins nucléaires passés entre l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni inquiète les pays voisins, souligne notre correspondante dans la région, Gabrielle Maréchaux. Dans cette zone prise en étau entre l'influence du géant américain et du voisin chinois, la Malaisie et l’Indonésie ont ainsi communiqué leurs inquiétudes sur cette nouvelle course à l’armement. 

La peur ancienne qui ressurgit cette semaine, c'est celle d’être le terrain de jeu préféré de la rivalité Chine - États-Unis sans n’avoir rien souhaité de tel. Du temps de Donald Trump, le nerf de la guerre était surtout économique ; sous Joe Biden, il pourrait être plus sécuritaire, après le contrat d’armement passé entre les États-Unis et l’Australie. 

Le mot « nucléaire » fait peur

Lors d’un échange avec son homologue australien, le Premier ministre malaisien a ainsi assuré craindre que cette nouvelle alliance entre l’Australie et l’Amérique n’incite d’autres puissances à agir de manière plus agressive dans la région, faisant ainsi implicitement référence à Pékin. Si le mot « nucléaire » fait ainsi peur aujourd'hui, il est aussi en opposition avec les positions de l’Asean, qui depuis le traité de Bangkok de 1995 s’est engagée à faire de la région une zone exempte d’arme nucléaire, 

Jusqu’alors l’Australie semblait être sur la même ligne, a rappelé de son côté le communiqué de presse des autorités indonésiennes en mentionnant le traité d’amitié et de coopération et son engagement pour la sécurité régionale. Le manque de transparence et de communication de la part de l’Australie semble enfin également avoir particulièrement irrité l’Indonésie. On rappelle dans ce pays des précédents diplomatiques : la création d’une base militaire américaine à Darwin en 2011 avait ainsi déjà mis l’Indonésie devant le fait accompli, et froissé ses dirigeants.

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