Disparition de Peng Shuai en Chine: les féministes font parler les murs au cœur de la censure
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L’association du tennis féminin (WTA) appelle le gouvernement chinois à enquêter sur les allégations d’agression sexuelle formulées par la joueuse chinoise à l’encontre d’un vice-Premier ministre, Zhang Gaoli, aujourd’hui à la retraite. Depuis ces déclarations, le nom de l’internationale féminin a disparu des réseaux sociaux et des médias chinois, et ce sont sur les murs que les militants féministes projettent leurs messages de soutien.
Avec notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde
De grands caractères bleus, blancs et jaunes, comme des balles de tennis, sont apparus sur les murs, les ponts de béton des grandes villes chinoises cette nuit. « Peng Shuai, on est avec toi ! », « On espère que tu es en sécurité ». Impossible de dire où ont eu lieu ces projections ni à quelle fréquence. Les photos réalisées par le FreeChineseFeminist mouvement ont été publiées sur Twitter, inaccessible sans VPN en Chine et donc non nettoyé par les censeurs.
Grand effacement
Car pour le reste, tout ce qui concerne la joueuse a disparu et les militantes n’ont aucune nouvelle. Depuis ses accusations, début novembre, lancées sur un post du réseau Sina Weibo, toutes les allusions au nom de la joueuse ont subi le grand effacement des censeurs. Si le terme « tennis » donne de nouveau des résultats sur le moteur de recherche Baidu ce lundi, l’émoticon représentant une balle de tennis n’apporte aucune réponse.
Chinese feminists' artwork to support Peng Shuai. "CHINESE WOMEN SAID ENOUGH". #WhereIsPengShuai #PengShuai pic.twitter.com/eeGd52axfH
— FreeChineseFeminists (@FeministChina) November 14, 2021
Dans son message aussitôt censuré, la numéro un chinoise du double féminin a accusé Zhang Gaoli de l’avoir forcé à des relations sexuelles. Or, des allégations de ce type n’avaient jamais encore frappé aussi haut. L’ancien vice-ministre chinois, aujourd’hui retraité, a été membre du puissant comité central du Parti communiste chinois, l’instance suprême qui dirige la Chine. Pour les militantes et les militants du mouvement #MeeToo, c’est le pot de terre contre le pot de fer.
« Il est très difficile et risqué de se mobiliser. Tout est immédiatement censuré. Voilà pourquoi nous avons eu l’idée de ces projections éphémères, explique une des militantes du hashtag FreeChineseFeminist jointe par RFI sur une messagerie cryptée. Nous voulons lui apporter notre soutien, nous refusons la censure, nous ne voulons pas que Peng Shuai soit effacée de la mémoire collective. Le monde du tennis parle de sa sécurité. Il y a eu ce communiqué demandant une enquête transparente, mais ici même cela est censuré. »
#WhereIsPengShuai
Les messages projetés sur les murs disparaissent quand on éteint le projecteur. Des slogans furtifs qui ont commencé ce week-end, et probablement vus par très peu de monde en Chine. Les associations féministes que nous avons contactées nous ont confirmé qu’il était dangereux, pour elles, de s’exprimer sur le sujet compte tenu du caractère ultrasensible du dossier. Ces messages projetés ne suffiront probablement pas à faire la lumière sur la situation de la joueuse disparue, mais pas question de se résigner nous ont dit plusieurs témoins. « Au travers de ces projections, nous voulons lui apporter notre soutien, nous ne voulons surtout pas que Peng Shuai soit effacée de la mémoire collective. Aujourd’hui, le monde du tennis parle de sa sécurité, il y a eu ce communiqué du WTA demandant une enquête transparente, mais même cela est censuré en Chine. »
Les murs parlent en Chine alors que les joueurs et les joueuses à l'étranger ont pris la censure chinoise au rebond. Avant le communiqué de l’association mondiale du tennis féminin ce dimanche soir, les professionnels du sport ont lancé le hashtag #WhereIsPengShuai,« Où est Peng Shuai ? »
Silence de plomb, en revanche, du côté de la Fédération chinoise de tennis. Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères ayant répondu la semaine dernière lors de son point de presse qu’il n’avait pas entendu parler de cette affaire qui, selon ce dernier, « ne concerne pas la diplomatie. »
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