Réforme agricole en Inde: Modi fait volte-face et annonce son abrogation dans un but électoraliste

L'Inde va abroger trois lois de réforme agricole qui ont déclenché près d'un an de protestations massives des agriculteurs, a déclaré le Premier ministre Narendra Modi.
L'Inde va abroger trois lois de réforme agricole qui ont déclenché près d'un an de protestations massives des agriculteurs, a déclaré le Premier ministre Narendra Modi. Sajjad HUSSAIN AFP/File

Le Premier ministre indien vient d’annoncer qu’il allait demander le retrait des trois lois de réforme de l’agriculture, si controversées. Cela arrive après une révolte paysanne exceptionnelle qui a duré quinze mois et causé la mort de plus de 700 paysans. Le gouvernement fait donc marche arrière pour la première fois, dans un but surtout électoral.

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Avec notre correspondant à New Delhi, Sébastien Farcis

La persévérance des paysans a payé. Après quinze mois à braver le froid glacial puis la chaleur torride de New Delhi, le gouvernement cède à leur pression. C’est la première fois depuis sept ans que Narendra Modi revient sur une réforme majeure. Le Premier ministre affirme qu’il le fait car il n’aurait pas réussi à convaincre « certains paysans », mais le vrai objectif est évident : la révolte agricole pourrait coûter cher à son parti lors des élections à venir en Uttar Pradesh, un Etat rural et le plus grand du pays. 

« Ces derniers mois, les fermiers ont mené aussi des actions de destruction d’activités de campagne du BJP, nous rappelle le politologue Gilles Verniers, directeur du Centre d’analyse de données à l’université Ashoka, près de New Delhi. Du coup, c’est devenu un irritant pour les activités électorales du BJP, qu’il fallait éliminer. Mais à mon sens, il y a d’autres facteurs qui interviennent aussi : cet épisode a été l’occasion de mauvaises presses pour Modi et pour l’Inde en général, dans la presse internationale. Et il y a aussi le fait que ces lois, de toute manière, n’allaient pas être mises en œuvre, depuis que la Cour suprême les avait suspendues en janvier dernier, en demandant au gouvernement de trouver une solution avec les fermiers. Or les fermiers sont restés campés sur leur position... Donc, plutôt que de continuer à pousser des lois qui, de toute évidence, n’allaient pas pouvoir être mises en œuvre, il était peut-être plus sage d’avaler la pilule maintenant et d’une certaine manière, se débarrasser du problème ».

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« C’est une victoire, mais Modi restera le méchant de ces manifestations agricoles, affirme Kamaljeet Singh, porte-parole du syndicat paysan Penjab Kisan Union. Nos revendications n’ont pas changé depuis le 1er jour, mais lui a attendu plus d’un an pour annuler cette réforme, et plus de 700 paysans sont morts sur les routes. C’est cela qu’a fait Modi, il n’a pas retiré cette réforme, mais a retardé ce retrait d’un an. »

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« une bonne nouvelle dans un paysage démocratique plutôt triste »

C’est le Parlement, réuni à partir de la fin novembre, qui devra procéder à l’abrogation officielle de ces lois. Et beaucoup de paysans pourraient maintenir leur sit in autour de New Delhi en attendant que ce retrait soit effectif.

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Le retrait annoncé de la loi est une bonne nouvelle pour la démocratie indienne, poursuit Gilles Vernier. « La leçon peut-être la plus importante de cet épisode, c’est la démonstration que, d’un côté des mécanismes formels de démocratie, comme les élections, fonctionnent toujours comme guide de l’action de gouvernement… Même s’ils ont pris ces décisions pour des raisons électoralistes, cela montre que les élections continuent à être importantes. Et d’un autre côté, sur les aspects plus substantifs, cela montre que la participation à des manifestations civiques non violentes, peut encore produire des résultats et donc ça va galvaniser d’autres mouvements, ça va galvaniser l’opposition… Et ça montre de quelle manière des citoyens peuvent changer le cours des choses. C’est plutôt positif et c’est une bonne nouvelle assez rare, dans un paysage démocratique qui était plutôt triste ».

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