Un demi-siècle de présence de l’homme dans l’espace
Durant la guerre froide, dans la deuxième moitié du XXe siècle, la conquête de l’espace se place parmi les principaux enjeux de la rivalité entre les États-Unis et l’URSS. Lors de cette course folle entre les deux puissances, l’homme se dote des capacités d’organiser des vols habités fréquents vers l’orbite terrestre. Depuis cinquante ans, plusieurs centaines d’astronautes ont eu le privilège d’observer la Terre depuis l’espace.
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Le début des vols habités
Après la réussite de la mise en orbite du premier satellite artificiel Spoutnik 1, le 4 octobre 1957, les Soviétiques travaillent en secret pour effectuer aussi le premier vol habité dans l’espace. Le directeur de l’Institut des recherches scientifiques, Sergueï Korolev, après le succès du programme Spoutnik, sous les ordres du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev, lance la mission du premier vol habité dans l’espace.
Parmi 3 000 candidats, il en reste un seul, choisi pour s’envoler sur le Vostok 1 depuis le cosmodrome de Baïkonour. Le 12 avril 1961, Youri Gagarine devient donc le premier homme à voyager dans l’espace durant une heure et quarante-huit minutes et à ressentir les effets de l’apesanteur. Ce succès historique a retenti partout dans le monde : Gagarine devient une célébrité absolue et l’URSS prend les devants dans la course à la conquête de l’espace.
À Washington, la première réaction est très courtoise, mais l’envie de rattraper le retard est grande. Le 25 mai, le président américain John Fitzgerald Kennedy, dans un célèbre discours, annonce la création de la mission Apollo qui a pour objectif de poser l’homme sur la Lune avant la fin de la décennie. La Nasa se met au travail : les missions de reconnaissance lunaire, la construction de la fusée capable de mettre le module en orbite basse, le lanceur, les systèmes de communication, les vaisseaux spatiaux suffisamment grands pour emporter au moins trois astronautes…
Le défi technique est énorme, car il faut concevoir des engins sûrs avec moins de 0,1% de chance de perdre l’équipage. Et le calendrier fixé par Kennedy ne laisse pas beaucoup de temps aux ingénieurs de la Nasa. Il ne reste que huit années pour accomplir l’objectif fixé par la Maison Blanche. La première mission Apollo 1, le 27 janvier 1967, est un échec. Le lanceur prend feu, les trois astronautes américains sont morts sur le coup et le programme subit un retard inquiétant.
C’est finalement le 21 juillet 1969 que deux astronautes américains, Neil Armstrong et Buzz Aldrin vont réussir l’alunissage lors de la mission Apollo 11. La célèbre phrase d’Armstrong - « c’est un petit pas pour l’homme, mais un grand pas pour l’humanité » - annonce une nouvelle dimension dans l’exploration de l’espace.
Le temps des stations spatiales
Les États-Unis ont fini par gagner la course vers la Lune. C’est sans aucun doute grâce au budget colossal que le gouvernement a alloué à la Nasa. Les Américains mettent fin au programme Apollo en 1972, onze ans après son lancement, qui aura coûté plus de 200 milliards de dollars.
Pendant ce temps, les Soviétiques ne restent pas les bras croisés. Même si leur ambition d’aller sur la Lune n’a pas abouti, faute de concevoir un lanceur capable de s’y rendre, Moscou poursuit les vols habités. Les années 1970 voient se succéder les lancements de stations spatiales. Dans un premier temps, les Saliout (sept modules lancés) de 1971 jusqu’en 1986. Ces modules, d’environ 100 mètres cubes de volume, pouvaient accueillir trois cosmonautes pour un séjour de plus en plus prolongé en apesanteur. Les Soviétiques utilisent les vaisseaux Soyouz conçus dans les années 1950 pour la relève de l’équipage. En 1986, c’est le lancement de la station MIR, plus grande et beaucoup plus moderne, qui va servir pour de nombreuses expériences menées par les Soviétiques.
Pendant ce temps, les États-Unis construisent également une petite station spatiale, Skylab (Sky Laboratory), et la lancent en orbite le 14 mai 1973. Trois équipages se succèdent à son bord et effectuent de nombreuses expériences en battant le record de l’époque de 84 jours passés dans l’espace. Skylab cesse son activité faute de budget et de lanceurs disponibles et se désintègre en entrant dans l’atmosphère le 11 juillet 1979. La Nasa consacre tout son projet des missions habitées dans l’espace aux navettes spatiales connues comme Space Shuttle ou Space Transportation System (STS). Le premier vol est effectué avec succès le 12 avril 1981 et relance les ambitions américaines dans l’espace.
Après l’éclatement de l’URSS en 1991, la station MIR est sous la responsabilité de l’Agence spatiale fédérale russe (RKA). La station s’ouvre ainsi aux astronautes d’autres nationalités et notamment les Européens, Nord-Américains et Japonais dans le cadre des collaborations internationales comme Intercosmos ou Shuttle-Mir. Elle est desservie par les vaisseaux russes Progress et Soyouz et les navettes spatiales américaines. En fonction jusqu’en juillet 2001, la station MIRa permis la présence permanente de l’homme dans l’espace avec des centaines d’expériences scientifiques effectuées à son bord.
L’ISS et le début de la collaboration internationale
Au début des années 1990, c'est aussi la fin de la guerre froide qui change considérablement les programmes spatiaux et les missions habitées. La Russie est en crise économique et les projets ambitieux sont impossibles. Les Américains craignent que les Russes vendent leur technologie spatiale, qui pourrait être détournée par les pays « ennemis » en puissants moyens balistiques. De ce fait, la Nasa insiste pour que les deux agences spatiales collaborent sur la construction de plusieurs lanceurs. Le projet de la Station spatiale internationale (ISS) dans laquelle chaque pays est partenaire à égalité plaît aux autorités russes.
En 1998, les premiers modules de l’ISS sont lancés en orbite basse (entre 330 et 420 km d’altitude) par les fusées russes Soyouz et Progress. En 2000, le premier équipage s’installera à bord de l’ISS qui est, depuis, occupée en permanence par les astronautes. L’Agence spatiale européenne (ESA), les Canadiens et les Japonais rejoignent le programme et envoient également leurs astronautes vers l’ISS. Les navettes américaines ont effectué une quarantaine de vols vers la station pour les besoins de l’assemblage de la station. L’accident de la navette américaine Columbia en 2003 a causé un important retard dans l’assemblage de l’ISS, mais a surtout précipité la fin de leur utilisation par la Nasa. Le 21 juillet 2011, la navette Atlantis se pose après la dernière mission et met un terme à une époque glorieuse de vols habités fréquents (134 vols au total) mais entachée de deux accidents majeurs : l’explosion de Challenger lors du décollage en 1986 et la désintégration dans l’atmosphère lors du retour de la navette Colombia en 2003.
Vers un nouvel essor des vols habités
Depuis l’arrêt des navettes américaines en 2011, les vols vers l’ISS et son ravitaillement se font avec les fusées russes Soyouz et Progress, conçues il y a plus d’un demi-siècle et lancées depuis le cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan. À Washington, le gouvernement de Barack Obama réduit considérablement le budget de la Nasa qui se tourne vers les entreprises privées afin de concevoir de nouveaux engins capables d’emporter des équipages dans l’espace.
La Nasa a choisi deux entreprises pour assurer le transport des équipages vers l’ISS : Boeing et SpaceX dont le propriétaire est le milliardaire Elon Musk. Après presque neuf ans de dépendance des fusées russes, SpaceX effectue son premier vol en 2019. Puis, le 23 avril 2021, il emmène un équipage dont l’astronaute français Thomas Pesquet vers une longue mission de six mois au bord de l’ISS.
La société d’Elon Musk développe une autre fusée nommée Starship et souhaite, dans un avenir proche, pouvoir participer à la conception d’un engin capable d’effectuer un long vol habité vers Mars dans la décennie 2030.
Parallèlement, le milliardaire Jeff Bezos et sa société Blue Origin ont conçu la fusée New Shepard pour quatre membres d’équipage, inaugurée par lui-même à l’été 2021. En même temps, le Britannique et propriétaire de Virgin Galactic, Richard Branson effectue un vol dans l’espace à bord de son engin avant de se poser avec succès. Le tourisme spatial devient possible, mais pour l’instant extrêmement coûteux et donc accessible à très peu de personnes.
L’avenir des vols habités
L’avenir de l’ISSest plutôt prometteur, car sa durée de fonctionnement est prolongée au moins jusqu’à 2030 et les nouveaux modules installés permettent un long séjour pour sept astronautes. Par ailleurs, une autre puissance spatiale émergente, la Chine, après deux prototypes lancés, Tianzhou 1 et 2, assemble actuellement une station spatiale capable d’accueillir en permanence trois membres d’équipage.
La Nasa, en collaboration avec d’autres puissances spatiales, prévoit une mission habitée sur la Lune à l’horizon 2025. La fusée SpaceX pourrait emmener les astronautes dont le Français Thomas Pesquet, qui a effectué deux missions de six mois à bord de l’ISS en 2016 et en 2021.
Quant au projet d’envoyer des hommes sur Mars, il reste toujours un grand défi de l’humanité. Une large collaboration internationale est sans doute indispensable, en tenant compte de nombreuses contraintes techniques, physiques et humaines. Pour le moment, il n’y a toujours pas, au sein des agences spatiales, un projet concret et cohérent qui pourrait lancer le développement d’une telle mission.
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