DOSSIER

La répartition des pouvoirs dans le système politique des États-Unis

Le gouvernement fédéral américain et ses institutions politiques reposent sur la Constitution des États-Unis de 1787, la plus vieille constitution encore en application. Celle-ci préserve la notion que les États-Unis sont une fédération d'États souverains et que les pouvoirs non spécifiquement délégués au gouvernement fédéral restent aux États. Ceux-ci ne sont pas seulement des provinces ou des subdivisions de l'administration fédérale. Les gouvernements des États sont relativement puissants, chaque État possède ainsi son propre droit pénal et son propre droit civil et gère, par son gouvernement, ses affaires internes. RFI a demandé à Jean-Eric Branaa, maître de conférences à l’Université de Paris II Assas et spécialiste de la politique et de la société américaine, d’expliquer ce système politique à plusieurs niveaux.

Vue de la coupole du Capitole, siège du Congrès des États-Unis, à Washington DC.
Vue de la coupole du Capitole, siège du Congrès des États-Unis, à Washington DC. © Henryk Sadura / Tetra Images via Getty
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RFI : Comment fonctionne le système politique américain ?

Jean-Eric Braana : par subsidiarité, on doit être au plus près des gens. Aux USA, cela fonctionne, car tout le système est construit comme cela dès le départ. Ce qui peut être géré au plus près des gens est géré au plus près des gens. À titre d’exemple : l’école est gérée par le conseil de l’école. En France, l’école est gérée par l’éducation nationale, c’est-à-dire par le haut. C’est un vaste système chez nous alors qu’aux USA, les enseignants sont embauchés localement, très souvent au niveau du district. Les parents d’élèves ont une voix prépondérante dans ce choix des professeurs, cela change les relations entre les individus de façon assez phénoménale. D’une manière générale, le fonctionnement se fait sur plusieurs niveaux, du local vers le fédéral : la mairie / le comté / le district / l’État / le niveau fédéral.

Comment s’organisent les relations entre les États et le gouvernement fédéral ?

Il y a une constitution dans chacun des États. Pour pouvoir entrer dans l’État fédéral, il faut d’abord qu’ils aient écrit leur constitution, qu’ils se soient formés en tant qu’État pour ensuite rejoindre l’État fédéral. Après un accord des habitants sur place, c’est le Congrès qui donne son accord, puis c’est ratifié par le président.

Aux États-Unis, l’organisation s’est faite d’abord au niveau des États. Le gouvernement fédéral, c’est un peu la capsule de la fusée qui vient s’y rajouter. On peut rajouter autant d’État qu’on veut, cela ne pose pas de problème particulier. Redessiner les drapeaux pour mettre la 51e étoile, ce sera le problème le plus difficile à résoudre. Pour le reste, ce n’est pas compliqué, car ce système indépendant qui fait que chacun s’organise fait que cela ne pose pas de problème.

Le niveau fédéral, lui, s’occupe de tout ce qui va à l’extérieur : la politique étrangère, la défense, la sécurité nationale, la diplomatie. Cela, c'est entre les mains du président, de l’exécutif américain. Et les lois votées par le Congrès fédéral sont des lois d’encadrement, elles ne s’occupent généralement pas du détail de la vie des gens.

De son côté, chaque État décide de sa propre organisation. Mais en général, il y a un gouverneur avec un gouvernement élu ou nommé, des assemblées ou une seule assemblée et un judiciaire qui est élu également.

Quels sont le rôle et le pouvoir attribués au gouverneur d’un État ?

C’est très variable, car cela dépend du pouvoir que la constitution de cet État lui donne. Dans certains États ce n’est pas grand-chose, dans d’autres il est très puissant. Dans les uns, les pouvoirs locaux vont être importants (maire ou président de district) et dans d’autres, la présence de conseils pluralistes fera que le gouverneur n’aura pas forcément un pouvoir très important.

Mais globalement, le gouverneur décide de beaucoup de choses, comme gracier les prisonniers, le genre de questions qui appartient au niveau le plus important. Dans la plupart des États, c’est lui qui donne la signature finale pour qu’une loi soit ratifiée après être passée par les deux assemblées du Congrès. D’une manière générale, c’est assez calqué sur le pouvoir fédéral, mais il peut toutefois y avoir des différences d’un État à un autre : un citoyen venant l’État de New York peut se rendre juste à côté en Pennsylvanie et commettre des infractions sans le savoir. Les limitations de vitesse, les taxes, etc. Toutes ces questions sont décidées par l’État qui applique ses propres lois, sa propre police.

Quel est le rôle de la police fédérale ?

Le FBI (Federal Bureau of investigation) intervient en cas de crimes graves ou ceux qui impliquent des étrangers. Un Français, par exemple, passera directement avec le FBI en cas de crime. Les policiers que l’on voit dans les séries sont souvent employés directement par la ville comme à New York, Los Angeles ou San Francisco. Le maire d’une grande métropole est aussi le patron de la police. Dès qu’on sort de la grande ville, c’est le shérif du comté et ensuite, cela peut être une autre autorité encore au niveau de l’État. C’est un empilement d’autorités différentes qui n’est pas toujours facile à comprendre.

Comment fonctionne le système judiciaire ?

Comme la police. Il y a des cours de justice au niveau de la ville, des cours de district puis des cours d’État. À chaque fois, cela dépend du crime ou délit. Mais d’une façon générale, dans la plupart des États, on a une reproduction du système fédéral avec une cour de première instance, une cour d’appel et une cour suprême.

Par exemple à New York, la cour suprême est la cour de première instance, la plus basse. Vient ensuite la cour d’appel, puis la cour supérieure qui se trouve au-dessus la cour suprême. Les Américains eux-mêmes ne s’y retrouvent pas et c’est pour cette raison que les avocats sont si riches dans ce pays. Beaucoup d’États ont deux cours d’appel, car ils séparent très souvent le civil et pénal.

Quel est le pouvoir du citoyen dans la démocratie américaine ?

Les Américains ont beaucoup recours à l’avis du citoyen : par exemple, chaque année en novembre, il y a beaucoup de votes de lois ou de propositions de lois. Vous faites une pétition dans votre quartier, la pétition part ensuite au niveau du comté et quand il y a suffisamment de signatures, elle est proposée au vote de tous les citoyens de l’État et peut devenir une loi.

Il y a différentes instances que chaque citoyen peut saisir. Le président des USA peut être saisi. Ceci a été instauré sous la présidence Obama et sur le site de la Maison Blanche, il est possible de saisir directement le président d’une question et il doit y avoir un certain nombre de personnes qui doivent être d’accord. À partir d’un certain nombre de personnes favorables, le président doit répondre et arrivé à un autre stade, il doit saisir le Congrès. Tout est fait pour que le citoyen soit très actif dans la démocratie américaine.

Comment s’organise le pouvoir exécutif ?

Le Congrès valide tous les membres du gouvernement, mais pas le bureau exécutif du président. Il y a le cabinet, qui correspond au gouvernement en lui-même (secrétaire d’État). Ses membres sont nommés par le président et confirmés par un vote majoritaire au Sénat. Les membres du bureau exécutif du président ont le titre de conseiller. Ils ont un pouvoir indirect, car ils sont au service du président, ne sont pas confirmés par le Congrès et peuvent être renvoyés du jour au lendemain.

Les présidents des États-Unis utilisent-ils souvent leur droit de véto ?

C’est arrivé une fois avec Trump, très peu avec Obama au début de son mandat. En règle générale, les présidents exercent pas mal leur droit de véto. Quand ils font un double mandat, on observe entre 30 et 70 vétos par présidence. Obama et Trump l’ont moins fait, car ils essayent de montrer qu’ils respectent le pouvoir du Congrès. Mais cela fait partie de la procédure, c’est un droit donné au président. Le véto est donc une arme politique pour pouvoir s’opposer à une décision du Congrès qui peut être contraire aux intérêts du pays ou au contraire à la vie politique du président.

Jean-Eric Branaa est maître de conférences à l’Université de Paris II Assas (Panthéon-Assas), spécialiste de la politique et de la société américaine, auteur de La Constitution américaine et les institutions publié aux éditions Ellipses.


Les 3 pouvoirs du système politique américain 

Le système politique des États-Unis est basé sur la séparation des pouvoirs, fondement de la Constitution de 1787. Il est composé de trois branches distinctes : législative, exécutive et judiciaire, gérées respectivement par le Congrès, la Présidence et la Cour Suprême.  

LÉGISLATIF

Le pouvoir législatif est bicaméral et représenté par le CongrèsCelui-ci est composé du Sénat (chambre haute) et de la Chambre des représentants (chambre basse). Ces deux chambres sont chargées d’élaborer, de discuter et de voter les lois fédérales qui sont ensuite présentées au président des États-Unis pour signature ou pour véto. Le Congrès a aussi la charge de voter le budget. 

  1. Le Sénat (en anglais) représente les États et est composé de 100 sénateurs, 2 par État. Les sénateurs sont élus pour 6 ans, avec un renouvellement d'un tiers du Sénat tous les 2 ans. Le rôle du Sénat est de voter les lois fédérales, de ratifier les accords commerciaux et traités internationaux, d’approuver les nominations faites par le président pour les postes des membres du gouvernement, des juges fédéraux et de la Cour suprême, des ambassadeurs. Il valide la destitution (Impeachment) d’un membre de l’exécutif suite à la mise en accusation par la Chambre des représentants.

     

  2. La Chambre des représentants (en anglais) représente les citoyens américains. Elle est composée de 435 membres, élus pour 2 ans et répartis entre les 50 États, au prorata de leur population totale. Il y a également 6 membres sans droit de vote, représentant le district de Columbia, le Commonwealth de Porto Rico et quatre autres territoires des États-Unis. Le président de la Chambre est élu par les représentants. Il ou elle est le troisième dans la ligne de succession à la présidence. Pour être élu, un représentant (Congressman/Congresswoman) doit être âgé d'au moins 25 ans, être citoyen américain depuis au moins sept ans et habiter l'État qu'il représente.

     

  3. Le rôle principal de la Chambre des représentants est d’élaborer et de faire voter les lois fédérales, de contrôler le budget, ou de décider de la mise en accusation d’un haut fonctionnaire du gouvernement qui sera ensuite validée par le Sénat.

 

ÉXÉCUTIF 

Le pouvoir exécutif est confié au président et à son gouvernement. Le président est à la fois le chef de l'État, le chef du gouvernement des États-Unis, le commandant en chef des forces armées et le chef de la diplomatie. Élu pour un mandat de 4 ans renouvelable une fois, le président est responsable de la mise en œuvre et de l'application des lois écrites par le Congrès. Il nomme les membres du gouvernement et les chefs des agences fédérales. Le vice-président, élu en même temps que le président, fait également partie du pouvoir exécutif. Il est prêt à assumer la présidence en cas de décès, d’incapacité, de démission du président.

Le gouvernement (The Administration) est composé de 15 ministères (Departments) et dirigés par des ministres (Secretaries) nommés par le président. Le cabinet est composé des membres les plus importants du gouvernement qui ont un rôle de conseil auprès du président. La nomination de ses membres est soumise à la validation du Sénat. Le cabinet et les agences fédérales indépendantes sont responsables de l'administration quotidienne du gouvernement fédéral et de l'application des lois votées par le Congrès.

Le président a le pouvoir de promulguer des lois ou de mettre son véto aux projets de loi adoptés par le Congrès ; mais le Congrès peut passer outre le véto présidentiel grâce au vote des deux tiers des deux chambres.

Le pouvoir exécutif s’occupe également de la politique extérieure en menant les activités diplomatiques avec d’autres nations. Le président a le pouvoir de négocier et de signer des traités mais à condition qu’ils soient ratifiés par les deux tiers du Sénat. Il n’a pas le pouvoir de déclarer la guerre, pouvoir qui appartient au Congrès.

 

JUDICIAIRE 

Le pouvoir judiciaire américain est composé d’une part du système judiciaire fédéral, dont la plus haute juridiction est la Cour suprême ; et d’autre part des systèmes judiciaires propres à chaque État. Le système fédéral s’occupe d’affaires d’ordre national, alors que les tribunaux d’États gèrent les affaires locales en relation avec leur constitution respective.

Le système judiciaire fédéral est la troisième branche du gouvernement fédéral. Il composé de trois niveaux de tribunaux :

  1. La Cour suprême est le sommet du pouvoir judiciaire américain et veille à ce que les lois et décrets soient conformes avec la Constitution. La Cour suprême est aussi le tribunal du dernier recours dont le rôle est de trancher pour ou contre une décision de justice prise au niveau de l’État fédéral ou de l’un des cinquante États. Les cas de première instance sont rares et ne concernent que des affaires impliquant des diplomates ou des affaires entre États. La Cour suprême comprend 9 membres nommés à vie par le président, avec l’accord du Sénat.

     

  2. Les cours d'appel fédérales sont les cours d'appel fédérales intermédiaires. Elles sont au nombre de 13 et prennent en charge tous les appels rejetés par les tribunaux inférieurs, les cours de district. Les cours d’appel fédérales emploient 180 magistrats qui sont nommés par le président et approuvés par le Sénat.

     

  3. Les cours de district sont des tribunaux de première instance pour les litiges civils et criminels. Ils sont au nombre de 94. Chacune des cours de district relève de l’une des 13 cours d’appel fédérales.

Les tribunaux d’État sont construits sur la même structure pyramidale avec un tribunal de première instance, une cour d’appel et une cour suprême. Du fait de leur caractère local, ces tribunaux traitent un nombre plus important d’affaires et ont plus de contact avec le public que les tribunaux fédéraux. Contrairement au système fédéral au sein duquel les juges sont nommés par le président et approuvés par le Sénat, leurs magistrats sont soit nommés soit élus, les procédures variant d’un État à l’autre.

Article initialement publié le 23/10/2020.

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