«I am Greta», un documentaire précieux pour comprendre Greta Thunberg
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Il a accompagné l’activiste Greta Thunberg depuis sa première grève scolaire pour le climat devant le parlement suédois en 2018 jusqu’à la fameuse traversée de l’Atlantique sur un voilier zéro carbone pour le sommet mondial consacré au climat en 2019. Le documentaire du réalisateur suédois Nathan Grossman, I am Greta, sort au cinéma ce mercredi en France.
Il y a un décalage énorme entre cette année où l’influence de Greta Thunberg était à son apogée et où Nathan Grossman a réalisé son documentaire, et aujourd’hui où la vague Greta Thunberg est clairement retombée depuis le début de la pandémie de Covid. Qui a écouté cette semaine le discours de l’activiste suédoise de 18 ans à Milan où 400 jeunes de 200 pays élaborent actuellement une déclaration commune sur le climat en prévision de la COP26 ?
L’action des jeunes et l’inaction du monde adulte
Certes, Greta Thunberg reste très soutenue, avec 5 millions d'abonnés sur Twitter, et les actions de Fridays For Future continuent. Après 800 000 manifestants dans la rue le 24 septembre dernier, un autre Global Climate Strike est annoncé pour le 22 octobre. En attendant, l’inaction du monde adulte est restée la même.
Le documentaire de Nathan Grossman est déjà devenu historique avant sa sortie en salles. Et il reste précieux pour décrypter l’actualité actuelle, parce qu’il donne des repères et établit les faits de la carrière incroyable de Greta Thunberg et son rôle pour le plus grand mouvement de la jeunesse pour le climat.
Un film pour changer le monde ?
Comment une jeune adolescente de 15 ans atteinte du syndrome d’Asperger a pu devenir une icône planétaire de la lutte pour le climat ? I am Greta documente l’origine et les raisons de la lutte de Greta Thunberg, mais c’est aussi un film pour changer – un peu – le monde. L’urgence du changement nécessaire, le réalisateur l’a d’abord appliquée lui-même sur sa démarche cinématographique. Lors de la première mondiale du film à la Mostra, l’année dernière, Nathan Grossman a préféré de prendre le train et de passer 34 heures sur les rails pour présenter son portrait très intime de Greta Thunberg à Venise.
Pas question non plus de faire venir l’héroïne de son documentaire à la Cité des doges. Une brève apparition, par Zoom, a suffi pour recueillir la validation officielle de la jeune activiste concernant les propos du film. Selon elle, I am Greta reflète bel et bien sa personnalité et son caractère d’« une personne timide et passionnée par la technologie et les sciences ».
Quand Greta parle de son syndrome d’Asperger
L’enjeu du documentaire est pour Nathan Grossman surtout d’« aider d’avoir une vue plus globale et plus humaine sur son personnage. Greta a donné tellement d’interviews de 5 à 10 minutes, tous ses discours... Mais cela restait tout un peu poussif. Avec ce film, je voulais donner plus de nuances et le plus grand nombre d’aspects possibles de sa vie. »
La petite caméra du cinéaste permet de découvrir comment Greta Thunberg prépare ses discours, mais aussi sa vie quotidienne. Il y a des scènes où elle éclate de rire avec son père et sa mère, s’amuse avec son chien et son cheval ou danse de façon totalement improvisée pour évacuer son stress. D’autres moments sont plus graves, quand elle parle de son syndrome d'Asperger ou de son temps où elle se sentait mal-aimée à l’école ou l’époque où elle était dépressive au point que son engagement pour la planète devient une question survie.
« Je l’ai suivie pendant un an, pas tout le temps, mais souvent, selon des priorités, explique Nathan Grossman. Au début, la grève scolaire a commencé très modestement, devant le Parlement suédois. Je l’ai filmée dès les premiers jours. Un ami à moi m’avait donné l’information qu’elle allait faire cette action, parce qu’il connaissait la famille de Greta. Plus j’ai filmé, plus je suis devenu proche de Greta. »
Le changement climatique et le cinéma
Une proximité qui explique peut-être aussi les limites de ce film permettant un regard très riche et original sur la jeune activiste suédoise, mais qui se contente finalement à donner des réponses aux questions déjà très souvent évoquées. Le plus grand souhait du réalisateur par rapport à son film ? « J’espère, en présentant ce film dans ces cercles cinématographiques, que cela va contribuer à diffuser le message dans d’autres parties dans le monde. »
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Entretemps, l’industrie du cinéma semble continuer comme avant, plus préoccupée par la puissance des plateformes que par le changement climatique. Mais, il y a quand même quelques exceptions notables. Par exemple, le Festival de Cannes a pris cette année pour la première fois officiellement des engagements écologiques et programmé (hors compétition) une sélection de six films sur l’environnement. « Nous sommes le premier festival à afficher des convictions environnementales » a déclaré fièrement son délégué général, Thierry Frémaux. L’édition 2021 « sera celle du monde d’après pour un festival de toujours », tout en promettant de « repenser intégralement la manière de produire le Festival de Cannes ».
Sans oublier l’ambitieux plan « Action ! » du Centre national du cinéma (CNC) en France. Un grand chantier de trois ans pour réconcilier une industrie qui génère actuellement chaque année 1,7 million de tonnes de CO2 avec l’écologie. Selon son président Dominique Boutonnat, le plan vise à « accompagner la filière pour répondre aux défis climatiques… C’est une révolution fondamentale, il y aura un avant et un après ». À partir de 2022, le plan prévoit de « rendre obligatoire la réalisation d’un bilan carbone pour toute œuvre ou projet financé par le CNC ». Les premières mesures contraintes par rapport à un budget carbone de référence des œuvres ne sont pas prévues avant 2024.
Comment Greta est devenue « amusante et charmante »
I am Greta offre à tout un chacun des arguments à s’engager à son tour contre la catastrophe climatique annoncée et de découvrir les débuts d’une des personnalités les plus médiatisées au monde d’une façon différente : « Au début, Greta était un peu stoïque, c’était sa façon de tenir tous ces discours. Elle n’a pas beaucoup rigolé. Après, assister à des scènes où elle éclate de rire ou se montre plus rigolote, parce qu’elle peut être vraiment amusante et charmante, c’était une surprise pour moi. »
Une surprise qu’elle est en train de cultiver depuis. Lors de son dernier discours à Milan, au sommet Youth for Climate, Greta Thunberg est apparue justement espiègle et attrayante tout en prononçant des paroles assassines contre les dirigeants du monde : « Nous ne pouvons plus laisser les personnes au pouvoir décider de ce qu'est l'espoir. L'espoir n'est pas passif. L'espoir, ce n'est pas du bla-bla-bla. L'espoir, c'est dire la vérité. L'espoir, c'est agir. »
Greta Thunberg en septembre 2021 à Milan, au sommet Youth for Climate.
“We can no longer let the people in power decide what hope is. Hope is not passive. Hope is not blah blah blah. Hope is telling the truth. Hope is taking action”
— Greta Thunberg (@GretaThunberg) September 28, 2021
My speech at #Youth4Climate #PreCOP26 in Milan. pic.twitter.com/BA62GpST2O
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