Etel Adnan, artiste-monde, est décédée à Paris
Publié le : Modifié le :
Poète, essayiste, romancière, peintre, Etel Adnan, immense artiste, s'est éteinte à Paris presque centenaire, à l'âge de 96 ans. De père syrien musulman et de mère grecque chrétienne, née à Beyrouth, Etel Adnan aura eu une reconnaissance tardive. Mais depuis dix ans la planète s'arrache ses œuvres de Paris aux États-Unis en passant par le monde arabe.
Etel Adnan reçoit chez elle dans son salon. Un appartement haussmannien, rue Madame, dans le 6e arrondissement parisien qu’elle partage avec sa compagne et complice Simone Fattal, artiste aussi. Etel met tout de suite à l’aise. Le regard pétillant, on a du mal à lui donner plus de 90 ans. Elle raconte : je commence ma journée en lisant L’Orient Le jour, le quotidien francophone libanais. « Il me faut un moteur pour démarrer », confie-t-elle. La reconnaissance tardive d’Etel Adnan ne l’a pas perturbée dans son quotidien.
Longtemps ignorée, elle a travaillé quasi toute une vie dans l'ombre. C’est que le monde de l’art a longtemps négligé les artistes femmes et regardé avec mépris tout ce qui ne vient pas de l’Occident. Mais depuis une dizaine d'années, musées et galeries s’arrachent ses œuvres où jaillissent des montagnes, celles du Liban et de la Californie où elle a vécu une grande partie de sa vie. Les tons jaune, orange, vert aux confins de l'abstraction respirent la sérénité. Elle aime aussi mêler l'écriture à la peinture et crée des leporellos, ces carnets en accordéon venus du Japon, où elle mêle la poésie et le dessin naïf presque enfantin.
Écrire c’est dessiner
Le Centre Pompidou Metz lui consacre d’ailleurs en ce moment une exposition qu’elle a intitulé Ecrire c’est dessiner. On peut y voir entre autres ces livres-accordéon qui peuvent faire jusqu’à dix mètres de long. Etel Adnan y a recopié des poèmes d’auteurs irakiens contemporains, notamment Abd el-Wahhab al-Bayyati et Badr Shakir al-Sayyab, avec qui elle était amie.
Car avant la peinture Etel Adnan est écrivain. Sitt Marie Rose, son premier récit, est tiré d'un fait réel. C'est l'histoire d'une femme qui se fait broyer par la guerre civile libanaise alors qu'elle lutte pour la justice dans son pays. Suivent L'Express Beyrouth-Enfer, L'Apocalypse arabe, où Etel Adnan crie sa douleur et sa révolte contre les guerres qui déchirent le Moyen-Orient. Elle écrit en français d'abord puis en anglais, l'artiste qui manie plus difficilement la langue arabe l'intègre finalement dans ses œuvres peintes se plaisant à en étirer les lettres.
La montagne et puis la mer
Ces dernières années, réfugiée en Bretagne, c’est la mer qu’elle observe et peint après la montagne. La mer et la montagne, c’est ce dont est fait son petit pays natal, le Liban, auquel elle reste attachée des États-Unis et de la France où elle vécut.
Amoureuse de la nature et de la vie, elle est dans le présent et confie à son éditeur et galeriste de la Galerie Lelong , Jean Frémont : « Jecrois que tout ce qui vit a une volonté et tout est vivant, même la matière qui semble inerte ». La grande dame est partie, reste son œuvre lumineuse bien vivante.
► À lire aussi : Etel Adnan: «Mon bonheur est la peinture» (2016)
► À écouter aussi : Etel Adnan dans l'émission En sol majeur (2015)
► À écouter aussi : « Crime d'honneur », Etel Adnan au Festival d’Avignon (2014)
► À écouter aussi : la lecture de deux textes d’Etel Adnan : Jennine et Un Crime d’honneur, mise en voix dans le cadre « Ca va, ça va le Monde ! » de RFI.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne