La livre turque s’effondre sur fond de tensions avec les Etats-Unis
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Les tensions diplomatiques entre les États-Unis et la Turquie frappent de plein fouet la livre turque. Elle a chuté à nouveau ce vendredi 10 août, perdant plus de 7% face au dollar. Une situation inquiétante pour l’économie turque car, depuis le début de l’année, la livre a perdu plus d'un tiers de sa valeur face au billet vert. Ce vendredi, Donald Trump a également annoncé sur twitter « avoir autorisé un doublement des droits de douane sur l'acier et l'aluminium par rapport à la Turquie ».
Plusieurs facteurs expliquent cette chute brutale de la livre turque. D’abord la crise diplomatique qui s’envenime, liée à la détention en Turquie d’un pasteur américain. Une rencontre de haut niveau entre diplomates américains et turcs pour apaiser les tensions n’a débouché sur aucune avancée.
Ce vendredi 10 août, le président américain Donald Trump a également annoncé dans un tweet avoir donné son autorisation au « doublement» des taxes douanières sur l'aluminium et l'acier turcs. Ces mesures augmentent la pression sur Ankara, afin de libérer le pasteur.
I have just authorized a doubling of Tariffs on Steel and Aluminum with respect to Turkey as their currency, the Turkish Lira, slides rapidly downward against our very strong Dollar! Aluminum will now be 20% and Steel 50%. Our relations with Turkey are not good at this time!
Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 10 août 2018
La méfiance des investisseurs à l’égard de la livre s'est également empirée ce vendredi 10 juillet après la publication d’un article du Financial Times. Le quotidien britannique rapporte que la Banque centrale européenne (BCE) s’inquiète d’une éventuelle contagion de cette crise monétaire à certaines banques européennes présentes en Turquie.
D’autre part, les marchés s’inquiètent de la politique économique du président Recep Tayyip Erdogan qui refuse de relever les taux d’intérêt de la Banque centrale. Or, plusieurs économistes appellent à une hausse des taux pour enrayer l’inflation. Celle-ci a atteint près de 16% en juillet dernier, en rythme annuel.
Réaction virulente d'Erdogan
Le chef de l’Etat n’a pas non plus rassuré les investisseurs en déclarant récemment que la chute de la livre était due à des « campagnes » hostiles : « S'ils ont des dollars, nous, nous avons notre peuple, nous avons le droit et nous avons Allah ! », a-t-il lancé jeudi 9 août, avant d’affirmer le lendemain que la Turquie « ne perdra pas cette guerre économique ».
Pour les Turcs, les conséquences de cet effondrement seront très concrètes puisque la Turquie importe beaucoup plus qu’elle n’exporte, indique notre correspondant à Istanbul, Alexandre Billette. Mais le président Erdogan, lui, l’a répété : il n’a pas l’intention de dévier de sa ligne, ni face aux Américains, ni sur sa politique monétaire.
En ce moment, en Turquie, tout le monde est figé, est en arrêt et ils attendent que la situation se calme pour pouvoir prendre la moindre décision.
Unal Deniz, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales
Avec notre correspondant à New York, Grégoire Pourtier
La principale origine de la brouille actuelle entre Washington et Ankara concerne le sort d’un pasteur protestant américain. Andrew Brunson est installé depuis une vingtaine d’années en Turquie, mais il est désormais soupçonné de mener en fait des activités terroristes et d’espionnage. Brunson a donc été arrêté il y a bientôt deux ans, peu après le putsch manqué contre Recep Tayyip Erdogan en juillet 2016.
Il a longtemps été incarcéré et se trouve désormais en résidence surveillée, avec interdiction de quitter le pays. Ces derniers mois, l’administration américaine a fait de sa libération un cheval de bataille. En avril, pour exprimer à quel point il pensait le pasteur innocent, Donald Trump avait par exemple tweeté :
« Ils disent que c’est un espion, mais moi-même je suis davantage un espion que lui. » Le ton est ainsi progressivement monté. En juillet, le président estimait que Brunson était otage des autorités d’Ankara, puis les premières sanctions – symboliques – sont tombées.
Mais la dernière annonce de Trump est évidemment beaucoup plus conséquente, amplifiant spectaculairement la dévaluation de la monnaie turque et engageant les deux pays dans un conflit désormais ouvert.
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