Une affaire continue de défrayer la chronique au Bénin : cette affaire d’empoisonnement dont aurait été victime le chef de l’Etat, Boni Yayi, et dont l’instigateur serait l’homme d’affaires Patrice Talon. Patrice Talon, en fuite, qui s’est exprimé hier matin sur notre antenne et qui a clamé son innocence. Alors, qui dit vrai ? Qui dit faux ?
C’est « la bataille finale », s’exclame le quotidien béninois La Nouvelle Tribune. « Attaques, bras de fer juridique par médias et avocats interposés, tentatives de médiation soldées par un fiasco… avec cette affaire d’empoisonnement manqué, Boni Yayi et l’homme d’affaire Patrice Talon jouent, sans doute, le dernier round d’une lutte qui les opposent ouvertement depuis le début de cette année 2012. »
La Nouvelle Tribune rappelle les litiges entre les deux hommes : d’abord, la gestion du port autonome de Cotonou. « Le gouvernement accuse Talon d’avoir fait usage de faux dans l’acquisition du marché et de vouloir déstabiliser les institutions de la République. » Et ensuite, la filière coton : « on accuse l’Association interprofessionnelle du coton, dont Talon est le président du conseil d’administration, d’avoir tripatouillé, rappelle le quotidien béninois, d’avoir fourni de fausses statistiques sur la campagne 2011-2012. »
Alors, hier, dans son interview à RFI, Patrice Talon a donc clamé son innocence et a affirmé être victime d’un acharnement parce qu’il a notamment refusé de financer un certain projet de révision opportuniste de la Constitution, qui aurait permis à Boni Yayi de briguer un troisième mandat. Commentaire de La Nouvelle Tribune : « le bouchon est désormais poussé très loin. (…) Il ne faut plus s’attendre à un quelconque règlement à l’amiable. La lutte ira à sa fin aux risques et périls des deux hommes. Si Talon arrive à prouver devant la justice, pièces à conviction à l’appui, qu’il s’agit d’un "canular", d’une affaire "ultra grotesque", le régime Yayi s’en sortira décrédibilisé à jamais avec la mort politique de tous ses barons. Dans le cas contraire, ça sera la chute de Talon et de son empire. »
Tripatouillage ?
Commentaire également du quotidien Le Pays au Burkina voisin : « en attendant de savoir qui sera le "brave" et le "bandit", comme on le dit couramment à propos des acteurs de westerns spaghettis dont raffolent les Africains, cette affaire suscite d’autres interrogations. Au-delà en effet de l’affaire d’empoisonnement, il se pose la question de la vie démocratique au Bénin. Visiblement, constate le quotidien burkinabè, le processus est toujours très fragile et mérite une surveillance accrue. Les relations sulfureuses entre le président et les hommes d’affaires sont elles-mêmes entachées de suspicion. Elles peuvent donner lieu à des compromissions graves pouvant ébranler les fondements de la démocratie, ainsi que le montre le cas Patrice Talon. Mais il y a plus grave, relève Le Pays. C’est la révélation faite par Patrice Talon des intentions de Yayi Boni, à un moment donné, de tripatouiller la Constitution. Cela, pour pouvoir se présenter à nouveau à la présidentielle après 2015. S’il ne s’agit pas de viles accusations participant d’un règlement de comptes, ces déclarations ont de quoi s’interroger sur l’esprit démocratique du président béninois. Car, lui-même a toujours clamé qu’il partirait à la fin de son deuxième et dernier mandat. D’où vient-il alors, s’interroge le quotidien burkinabè, qu’il soit en cours de chemin pris de ce mal propre aux dirigeants africains ? Vraies ou fausses, ces accusations n’en demeurent pas moins une interpellation. Que cette idée ait même effleuré un chef d’Etat béninois a de quoi susciter des inquiétudes. »
Non ! Deux et pas plus…
En tout cas, l’entourage du président béninois a très vite réagi hier à ces accusations de tripatouillage, comme le rapporte le quotidien Le Matinal : « supposée volonté du chef de l’Etat de s’éterniser au pouvoir : la mouvance présidentielle rassure sur le départ de Yayi », titre le quotidien. En effet, précise-t-il, « la famille présidentielle a réaffirmé la volonté du chef de l’Etat de quitter le pouvoir au terme de son deuxième mandat constitutionnel ». « "La question des mandats du président de la République est définitivement réglée, a affirmé l’un de ses proches, cité par le journal. Il est clair que lorsqu’on a 70 ans, on ne peut plus être président dans ce pays. Lorsqu’on a fait deux mandats consécutifs de cinq ans, on ne peut plus prétendre à un troisième mandat." »
Toujours est-il que ce feuilleton béninois ternit l’image du pays, comme le relève L’Observateur au Burkina : « cette histoire, qui s’apparente au scénario d’un roman de gare, est pitoyable et n’honore pas le Bénin, réputé être le quartier latin de l’Afrique, qui a emprunté les rails de la démocratie après le premier départ du pouvoir de Mathieu Kérékou en 1990. Depuis cette époque, le Bénin vaquait paisiblement à l’organisation, réussie, de ses scrutins. » Bref, s’exclame L’Observateur, « le Bénin nous avait habitués à mieux que ça… »
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