A Kinshasa, ce sont désormais de vraies stars. Deux robots de 2m50 de haut régulent depuis quelques mois la circulation agitée de la capitale congolaise. Ces automates « 100% congolais » sont photographiés, leurs créateurs interviewés, mais surtout -depuis six mois- qu’ils ont été mis en place à des carrefours agités, ils sont toujours entiers et respectés par les automobilistes. Derrière cette invention : une femme entrepreneur et quatre ingénieurs qui peinent malgré le succès de leur robot à convaincre les autorités.
Au niveau du carrefour devant le Parlement -en plein centre de la mégalopole de 10 millions d’habitants- les « Esprits de la mort », ces fameux bus de voyageurs plus ou moins délabrés, les voitures et les motos filent à toute allure sur les quatre axes que distribue ce rond-point. Mais quand au milieu du croisement, un robot géant, qui semble tout droit sorti du film « Retour vers le futur », pivote sur lui-même et lève les bras à l’horizontale, tout le monde s’arrête. « C’est notre robot -roulage », s’exclame un automobiliste en souriant, « on l’aime bien, alors on le respecte ! ».
Depuis le mois d’octobre, ce personnage de 2,50 m en aluminium, alimenté par un panneau solaire, remplace les policiers chargés de réguler la circulation et anime le carrefour devant le Parlement avec son ballet quotidien. Toutes les 5 minutes, il pivote son buste, son plastron passe du vert au rouge et il place ses bras à l’horizontale comme le ferait un agent pour bloquer une voie et laisser passer les voitures sur l’autre.
« En 2011, y a eu plus de 2 650 accidents de la route dans Kinshasa, chaque jour il y a des morts. Des véhicules délabrés sillonnent les rues sans aucun système de signalisation, les conducteurs bafouent régulièrement le code de la route », explique Thérèse Izay Kirongozi, propriétaire d’une chaîne de restaurant dans la capitale et qui a financé la construction de ces robots. Nous avons voulu créer un concept qui permettrait de mieux réguler la circulation chaotique de cette ville et assister les agents de circulation ».
Dans le petit atelier qui a vu naître ces étranges créatures, à quelques kilomètres du carrefour du Parlement, les quatre ingénieurs qui ont réalisé les deux prototypes placés dans Kinshasa ne sont pas peu fiers de cette réalisation 100 % congolaise. « Bien sûr les feux tricolores existaient déjà, les robots aussi, mais c’est la combinaison des deux qui est unique ! », s’exclame Deba Massemba, l’ingénieur qui a soumis le concept de ce robot intelligent à Thérèse Izay Kirongozi et à l'association Women's Technology dont elle s'occupe.
Dans l’atelier, deux autres modèles sont encore en cours de fabrication. Couvert de plaques d’aluminium, le robot résiste aux fortes chaleurs et à l’humidité élevée caractéristique de la capitale congolaise. « Un système de détection indique au robot si les piétons peuvent traverser sans danger. Des caméras, placées au niveau des yeux et sur les épaules de l’androïde, filment constamment la circulation », explique pour sa part Moïse Diasuka, spécialiste en vidéo surveillance.
Autre astuce, l’autonomie de fonctionnement du robot, entièrement alimenté par un panneau solaire placé à côté de l’automate. « Vous savez bien qu’en Afrique on a un problème d’électricité », explique Moïse Diasuka, « mais ce robot fonctionne 24h sur 24, même sous la pluie, même la nuit, car la batterie charge l’énergie solaire, on peut l’installer partout ».
Avec un coût de fabrication qui avoisine les 10 000$, Thérèse Izay Kirongozi, rêve de faire de cet astucieux automate, une mascotte internationale. « Tous les pays africains sont confrontés au même problème : il y a de plus en plus de voitures, donc des problèmes de circulation et d’accidents. Ce robot peut servir partout : au Nigeria comme au Canada ! », analyse la femme entrepreneur avant d’ajouter : « C’est un robot made in Congo, on est quand même fiers de ça, c’est pour ça qu’on aimerait que l’Etat nous encourage ». Juste à côté, l’un des ingénieurs murmure : « Il ne faudrait pas que le Congo laisse mourir ses génies dans la pauvreté ».
Car c’est tout le problème : deux robots intelligents ont été mis à disposition gratuitement sur deux carrefours de la capitale, le premier en juin, le deuxième en octobre dernier, mais les autorités de la ville ne sont pas pressées de passer commande. « On nous a demandé de faire des améliorations techniques, notamment sur la qualité des images filmées », explique Thérèse qui a eu une réunion en janvier avec des représentants de la capitale. Le tout sans que la ville ne mette la main à la poche.
En attendant que l’investissement rapporte les recettes espérées, les automobilistes de Kinshasa, ont eux parfaitement adopté l’automate congolais. « Le robot, c’est mieux que le policier », explique Roger à bord de son petit taxi au niveau du carrefour devant le parlement. « Il fait son travail, les minutes sont bien réglées et il ne fait pas de tracasseries ! », sous-entendu : la créature d’aluminium ne demande pas d’argent pour arrondir les fins de mois difficiles et compenser les longues heures passées à réguler la circulation sous le soleil brûlant de Kinshasa.
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