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Paul Bérenger: «Je suis le seul à avoir participé à 9 élections générales»

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L’île Maurice se prépare à se rendre aux urnes pour des législatives anticipées. Paul Bérenger, ancien leader de l’opposition et ex-Premier ministre de Maurice, a fait sensation ces dernières semaines en s’alliant au Premier ministre Navin Ramgoolam. Paul Bérenger, figure politique en vue dans l’île, a, là, toutes les chances d’être élu Premier ministre. Il répond aux questions de notre correspondant à Port-Louis, Abdoollah Earally.

Paul Bérenger.
Paul Bérenger. DR
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Abdoolah Earally : Paul Bérenger, vous qui avez participé à toutes les élections de l’île Maurice indépendante, qu’est-ce qui vous fait croire que cette fois-ci la population va vous élire Premier ministre?

 

Paul Béranger : Je suis le seul à avoir participé à neuf élections générales, là ce sera plus la dixième fois. L’île Maurice a beaucoup progressé. La méritocratie a beaucoup progressé à l’île Maurice. Mais il y a encore beaucoup et beaucoup à faire. J’ai été Premier ministre deux ans en 2003-2005, c’est déjà un exploit. Quand on connaît l’histoire de l’île Maurice, qu’on connaît les réalités politiques et électorales de l’île Maurice, c’est déjà un exploit. Là, on est arrivé à un arrangement, à un équilibre constitutionnel, le Premier ministre actuel Navin Ramgoolam et moi-même, qui ressemble beaucoup à ce qui s’est passé en terme de débat constitutionnel en Tunisie, c’est-à-dire que nous avons avec soin recherché un nouvel équilibre entre les pouvoirs du président de la République et les pouvoirs du Premier ministre. On est arrivé à un équilibre aussi parfait que les choses peuvent être parfaites sur la terre.

 

Votre parti, le Mouvement militant mauricien (MMM) est en alliance avec les travaillistes de Navin Ramgoolam. Vous projetez d’amender ensemble la Constitution pour faire « évoluer le modèle démocratique » de Maurice. Mais qu’est-ce que ça va changer?

 

Nous aurons essentiellement un président avec des pouvoirs importants, augmentés, et qui sera élu au suffrage universel mais à un tour, pas à deux tours, avec des pouvoirs additionnels et un Premier ministre qui reste Premier ministre dans notre système britannique de « Cabinet system ». Et c’est l’équilibre auquel on est arrivé par écrit. Je ne suis pas d’accord du tout avec ceux qui prétendent qu’il faut tous les pouvoirs soient concentrés dans les mains d’une seule personne. C’est dangereux. Ça été comme ça à l’île Maurice depuis l’indépendance et parfois on l’a payé très cher. Le modèle a ses défauts et a ses failles. De l’extérieur, on ne les voit pas. Mais la plupart des gens ne savent pas qu’on est encore en monopole d’Etat sur la télévision. Il y a une seule télévision d’Etat (…). C’est un exemple que je donne. Donc on n’a jamais fini d’améliorer la démocratie. Avec ce que nous proposons, y compris une réforme électorale, nous avons là aussi une faille de la démocratie à la Mauricienne, c’est que nous avons un système électoral totalement non démocratique où un parti peut avoir 30% des suffrages. Je pense aux sièges, ça s’est vu à plusieurs reprises dans l’île Maurice. Donc, on ne finit jamais d’améliorer la démocratie et c’est ce que nous voulons faire.

 

Pour précision, c’est le modèle de « First past the post » (FPTP), en d’autres mots un système uninominal majoritaire à un tour. Une telle alliance vous en êtes convaincu va rafler tous les sièges au Parlement. Mais est-ce raisonnable?

 

Non, parce que le système électoral n’est pas bon. Mais attention, normalement, statiquement, on va rafler tous les sièges parce qu’il n’y a à ce stade que des circonscriptions géographiques. Et c’est mauvais. Depuis vingt ans, trente ans, mon parti préconise un peu le modèle allemand, c’est-à-dire un mélange deux tiers de sièges par des circonscriptions géographiques, un tiers à la proportionnelle ou fifty-fifty, 50-50%. Et c’est ce que nous allons faire après les élections.

 

Mais quelle place pour respecter le jeu démocratique vous accorderez à l’opposition si effectivement il y a un 60-0, une victoire de 60-0 aux prochaines élection?

 

Une bonne chose que la Grande-Bretagne nous a léguée, c’est l’existence constitutionnelle du leader de l’opposition. C’est un leader de l’opposition parlementaire au Parlement donc, qui occupe un poste qui est dans la Constitution. C’est plus qu’un ministre. Qu’on rapporte tous les sièges ou non, notre Constitution est sacrée. Et le rôle de l’opposition est garanti par la Constitution. Et l’opposition aura toute la marge de manœuvre qui contrairement à ce qui s’est passé parfois dans le passé, pour exercer son rôle d’opposition parlementaire officiel constitutionnel. Et personnellement, moi en tant que Premier ministre demain, je consulterai le leader de l’opposition régulièrement et pas seulement sur les dossiers de diplomatie, de politique internationale ou régionale, mais d’une façon générale.

 

Il y a eu beaucoup de critiques sur votre approche. Il y a encore deux mois, vous étiez leader de l’opposition. Pendant que vous occupiez ce poste, vous discutiez alliance avec la majorité de Navin Ramgoolam?

 

Evidemment, discuter c’est une chose, conclure ça en est une autre. Je suis resté leader de l’opposition jusqu’au moment où une alliance a été conclue entre le parti au pouvoir et nous. Immédiatement j’ai démissionné une fois cet accord conclu et signé. Cet accord entre nous et le parti travailliste, ce n’était certainement pas couru d’avance ! Maintenant c’est chose faite. Et à partir du moment où ça a été chose faite, évidemment je me suis retiré comme leader de l’opposition.

 

 

 

 Deuxième partie à écouter:

Paul Bérenger, ex-leader de l’opposition et ancien Premier ministre de Maurice (Deuxième partie)

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