Quelle stratégie européenne de développement pour la défense française ?
Le salon aéronautique de Farnborough, près de Londres en Grande-Bretagne, ouvre ses portes ce lundi 9 juillet. C'est le plus grand salon aéronautique au monde, après le celui du Bourget. Cette édition 2012 sera l'occasion de reparler du partenariat franco-britannique en matière de défense, lancé il y a deux ans.
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Début 2000, Français et Anglais étaient parvenus à sceller une alliance dans le domaine des missiles, avec la fondation de la société MBDA, devenue l’un des leaders mondiaux du secteur. Depuis deux ans, il est question d’une coopération franco-britanique sur les drones militaires. « La coopération de défense entre la France et la Grande-Bretagne va représenter un pas important dans les capacités militaires de nos deux pays », assurait le Premier ministre britannique David Cameron, lors de sa dernière visite à Paris. « L’investissement que nous allons faire dans les programmes de drones représente une réelle avancée et nous sommes déterminés à aller plus loin. »
Depuis à Paris, les choses ont changé. Un nouveau président et une nouvelle majorité sont arrivés au pouvoir. Quelques semaines après sa prise de fonction, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, assurait qu’il « remettait à plat le dossier des drones, mais qu’il allait prendre une décision rapidement ».
Concurrence entre Européens
Le ministre français de la Défense doit se rendre à Londres d'ici la fin du mois. A ce stade, le traité franco-britannique n'est aucunement remis en cause. D'ailleurs, Français et Anglais pourraient lancer prochainement le programme « Telemos », basé sur un système britannique déjà existant, le « Mantis ».
Mais Jean-Yves Le Drian souhaite une relance de l'industrie européenne dans son ensemble. Impossible, alors, de laisser de côté le franco-allemand EADS, poids lourd de l’industrie de défense européenne, pour privilégier un partenariat uniquement franco-britannique. D’autant plus qu’EADS propose depuis longtemps un projet concurrent de drones Male (Moyenne altitude longue endurance) nouvelle génération, désigné « Talarion ».
Difficile donc de mettre tout le monde d’accord : « Nous sommes dans un cadre bilatéral, BAE System-Dassault, martèle Eric Trappier, directeur-général de Dassault pour l'international. Si l’Allemagne rentre dans le programme, EADS-Manching, qui dispose de compétences en matière de construction d’avions, devra rentrer aussi dans le tour de table. »
Autrement dit, l'industriel EADS devra mettre de l'argent dans le projet. Or, pour le moment du côté de Berlin, l'armée allemande, client potentiel, ne semble guère intéressée, puisqu’elle a déjà opté pour une version « européannisée » du drone nord-américain Global-Hawk pour un montant de 1,2 milliards d’euros.
L’Otan propose la mise en commun
Vues depuis Washington, ces divisions européennes pourraient faire sourire les industriels américains. Avec Israël, les Etats-unis sont les seuls à construire, et à utiliser au combat des avions sans pilote (UAV), comme les drones tueurs Reaper, utilisés chaque jour dans la guerre secrète menée par la CIA contre les cadres d’al-Qaïda dans la zone Afghanistan-Pakistan (AfPak).
Lors du dernier sommet de l’Otan à Chicago, l’Alliance a proposé un concept dit de smart-defence (défense intelligente) visant à mettre en commun et à partager les « capacités » des différents membres de l’Otan.
« Les Etats-Unis et leurs alliés européens investissent dans notre sécurité commune. Nos pays travaillent pour développer des capacités qu’ils ne pourraient obtenir tous seuls ! Aujourd’hui, nous comblons un manque, en signant un contrat pour la fourniture de cinq drones non armés, qui aideront nos décideurs à identifier les menaces et les cibles, ou qui leur permettront de voir ce qu'il se passe au-delà de l’horizon », assurait en mai dernier le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmsussen.
En clair, si les Européens, qui ont déjà plus de dix ans de retard sur la question, ne se mettent pas d'accord rapidement sur la production et l’utilisation opérationnelle des avions sans pilotes, ils abandonneront le marché des drones aux industriels américains. Pire encore : ils seront dépendants de l'Otan pour les très sensibles missions de renseignement, voire de lutte contre le terrorisme.
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