Italie

Italie: reddition d’un chef mafieux de la 'Ndrangheta

Conférence de presse des autorités et de la police italienne, après un coup de filet qui avait conduit à l’arrestation du chef de la Ndrangheta, Domenico Oppedisano, à Milan le 13 juillet 2010.
Conférence de presse des autorités et de la police italienne, après un coup de filet qui avait conduit à l’arrestation du chef de la Ndrangheta, Domenico Oppedisano, à Milan le 13 juillet 2010. AFP/Giuseppe Cacace

Giuseppe Pesce, le chef d’un important clan mafieux calabrais, s’est rendu à la police italienne. Agé de seulement 33 ans, il était à la tête du clan Pesce, membre de la 'Ndrangheta, la redoutable mafia calabraise dans le sud de l’Italie.

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Une reddition de chef mafieux, c’est suffisamment rare pour être souligné. Giuseppe Pesce explique sa décision tout simplement par la fatigue d’être toujours en fuite. En tout cas, c’est ce qu’il a dit à ses avocats.

Il est vrai qu’il menait une vie clandestine depuis trois ans, c’est-à-dire depuis l’emprisonnement de 42 membres de son clan et de plusieurs dizaines d’autres mafieux appartenant à la 'Ndrangheta. Dans une série de procès, ils ont tous été condamnés à de lourdes peines de prison. Giuseppe Pesce lui-même a été condamné à 16 ans de prison, par contumace, pour association mafieuse. Il est également accusé dans un autre procès d’être le chef d’un clan mafieux.

Toutefois, c’est probablement la récente arrestation de son épouse qui a joué un rôle déterminant en faveur de sa reddition. En effet, elle est soupçonnée d’avoir aidé son mari à échapper à la justice et de lui avoir servi d’intermédiaire avec les autres membres du clan pendant sa fuite. Sans cette aide précieuse, la vie clandestine de Giuseppe Pesce est sans doute devenue trop difficile à supporter.

Corporation du crime

Le clan Pesce constitue juste un maillon de la mafia calabraise, la 'Ndrangheta, qui, elle, est une véritable corporation du crime, aux ramifications dépassant de loin le sud de l’Italie, et aux revenus gigantesques. Pour la seule année 2008, un institut européen spécialisé a évalué le chiffre d’affaires de la Ndrangheta à 44 milliards d’euros.

Les fonds proviennent principalement du trafic international de drogue et d’armes, mais aussi de toute une panoplie d’autres sources, comme le racket, le blanchiment d’argent, le détournement de subventions européennes et nationales, le détournement de marchés publics, la prostitution, le trafic et l’immersion de déchets toxiques et radioactifs, les enlèvements, le trafic de diamants et de plutonium, ainsi que les prêts aux commerçants et entrepreneurs consentis à des taux beaucoup plus élevés que ceux fixés par la loi pour les crédits bancaires.

Créée au XIXe siècle comme une organisation locale calabraise, la ‘Ndrangheta fonctionne aujourd’hui comme une grande entreprise à l’échelle mondiale. C’est pourquoi elle est devenue la plus importante et la plus redoutée des quatre organisations du crime en Italie, qui incluent la Camorra dans la région de Naples, la Cosa Nostra en Sicile, et la plus petite, Sacra Corona Unita, dans les Pouilles.

« Va à Berlin-Est et achète »

La ‘Ndrangheta réussit à s’implanter à l’étranger et à en tirer des profits aussi faramineux, surtout en investissant massivement dans l’immobilier local. Prenons l’exemple allemand. En 1989, juste après la chute du Mur de Berlin, la police a intercepté une conversation téléphonique dont elle n’a compris l’importance que beaucoup plus tard. En fait, beaucoup trop tard. Un mafioso ordonnait à un autre : « Va à Berlin-Est et achète ». « Mais j’achète quoi ? », demandait l’autre. Et la réponse fût : « Tu achètes tout : bars, restaurants, immeubles... ». C’est ainsi que la 'Ndrangheta s’est emparée, pour une bouchée de pain, de vieux palais à moitié détruits, d’édifices en tous genres, de locaux gastronomiques divers...

C’est ainsi qu’elle s’est durablement implantée en Allemagne. Ce qui lui permet maintenant de blanchir l’argent du trafic de stupéfiants en achetant des hôtels et des restaurants en Thuringe, en Saxe et sur les rives de la Baltique. Elle aurait également passé des ordres portant sur 9 millions d’euros à la Bourse de Francfort, surtout dans le secteur de l’énergie. C’est grâce à ces opérations qu’elle détiendrait aujourd’hui, entre autres, 3% du capital du géant énergétique russe Gazprom.

Le clan Pesce, dont le chef vient de se rendre à la police, opérait également à l’international. Certes, on ne connait pas encore tous les détails de ses activités, mais on sait que le clan était présent particulièrement en Belgique et aux Pays-Bas. À Bruxelles, la mafia a acheté l’équivalent de tout un quartier avec l’argent blanchi de la drogue. Aux Pays-Bas, elle achetait directement de grandes quantités d’héroïne et de cocaïne.

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