Europe / Entretien

Henri Sterdyniak sur la hausse du taux de chômage dans la zone euro: «Il faut relancer la croissance»

Une manifestation contre le chômage et la précarité à Gijon, dans le nord de l'Espagne, le 1er mai 2013.
Une manifestation contre le chômage et la précarité à Gijon, dans le nord de l'Espagne, le 1er mai 2013. REUTERS/Eloy Alonso

Le taux de chômage dans la zone euro a atteint un nouveau record : 12,2% au mois d’avril 2013. Selon les estimations d’Eurostat, dans les 27 pays de l’Union européenne, plus de 26 millions d’hommes et de femmes étaient au chômage en avril 2013, et 19 millions dans la zone euro. Un sujet qui sera en discussion lors du prochain sommet européen des 17 et 18 juin 2013. Henri Sterdyniak, directeur du département économie de la mondialisation à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) était vendredi 31 mai l’«Invité de la mi-journée» de RFI.

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RFI : Les chiffres du chômage sont de plus en plus mauvais et l’Europe est coupée en deux. Comment expliquez-vous que l’écart soit de plus en plus important entre les pays du Nord et ceux du Sud ?

Henri Sterdyniak : On peut avant l’expliquer par les politiques d’austérité que les pays du Sud sont contraints de mener. Cinq pays du Sud de l’Europe sont soumis directement aux injonctions de la troïka, c’est-à-dire de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne, et du Fonds monétaire international, qui sont obligés de mettre en œuvre des politiques d’austérité extrêmement vigoureuses. Ces pays ont des croissances très négatives, -5% pour la Grèce, -5% pour Chypre, -2% pour l’Italie, -4% pour le Portugal. Ils souffrent particulièrement et ont des taux de chômage qui dépassent 40% pour les plus jeunes. Au contraire, dans les pays du Nord, il y a plus d’activité et une tradition d’accords entre les partenaires sociaux qui fait que les travailleurs restent dans les entreprises, même lorsque celles-ci connaissent des difficultés.

Est-ce que la politique de récession est la seule raison à ce taux de chômage élevé ? Y-a-t-il d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte ?

A partir de 2010 les pays du sud ont été soumis à la méfiance des marchés financiers internationaux, les taux d’intérêt de ces pays ont monté, ce qui s’est traduit aussi par une hausse des taux d’intérêt que payent les entreprises et les ménages. Bref, l’activité s’est effondrée. S’ajoutent à cela les plans d’austérité qui font que ces pays sont dans une très mauvaise situation. Ces pays, qui étaient flamboyants avant la crise, payent maintenant les erreurs d’avant crise.

Est-ce-que c’est une croissance nulle qui fait aussi gonfler les chiffres ?

Si vous prenez l’ensemble de la zone euro, la croissance était négative en 2012, en 2013, et nous devrions avoir une croissance nulle en 2014. La conséquence est une forte hausse du chômage, sauf dans les pays comme l’Allemagne, où l’on a une décrue de la population qui désire travailler pour des raisons démographiques. Dans les autres pays, le chômage augmente en raison de l’absence de croissance.

RFI : Combien faudrait-il de points de croissance pour stabiliser le chômage à défaut de le faire baisser ?

Pour l’ensemble de la zone euro, il faudrait que le taux de croissance atteigne 2% pour le stabiliser et, pour rattraper l’écart qui s’est creusé, il faudrait que la zone euro se fixe un objectif de 3% de croissance pendant cinq ans.

RFI : Les jeunes sont les premiers visés par ce manque d’emploi, ce sera d’ailleurs l’un des principaux thèmes du sommet européen de juin. Quelle serait, selon vous, la politique la mieux adaptée pour les sortir de la spirale du chômage ? Est-ce que cela passe obligatoirement par une coordination des Etats ou bien chacun doit agir dans son camp ?

Les jeunes sont les premières victimes de l’absence d’embauche. Les entreprises préfèrent réduire leurs embauches plutôt que de licencier. En plus, on a demandé aux seniors de rester dans les entreprises puisque l’on a reculé partout l’âge de départ à la retraite. A court terme, les entreprises n’ont pas besoin d’embaucher, conséquence qui touche surtout les jeunes. La politique que l’on doit mener avant tout en Europe, est une politique de croissance. Les jeunes sont généralement bien formés en Europe, mieux formés d’ailleurs que leurs parents. Le problème auquel ils se heurtent est précisément l’absence d’embauche dans les entreprises. La politique concertée, qui doit être mise en place en Europe, tient en deux objectifs essentiels : renoncer aux objectifs qu’on ne peut pas tenir de déficit et de dette publique, relancer la croissance et la production industrielle.

RFI : François Hollande disait récemment que cette hausse du chômage est aussi due à un manque de solidarité envers les jeunes et les seniors ? Qu’en pensez-vous ?

Il ne s’agit pas de solidarité, mais d’emploi. Les entreprises n’ont pas de croissance, donc elles n’ont pas besoin d’embaucher des salariés, au contraire, elles veulent plutôt les licencier. Quand une personne part en retraite, c’est plutôt une bonne affaire pour les entreprises qui ne la remplacent pas. On ne peut tout de même pas demander à un salarié de 30 ou 40 ans de renoncer à travailler pour que soient embauchés des jeunes ou des seniors ! On doit en Europe développer l’emploi et un projet industriel qui s’inscrira dans la transition écologique. L’Europe doit avant tout se préoccuper de croissance et d’industrie ! 

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