Elections en Espagne: percée historique des nouveaux partis
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Les Espagnols étaient appelés dimanche 24 mai à élire leurs représentants municipaux et régionaux. Un scrutin crucial pour le pays, et qui va redessiner son paysage politique, avec une percée des nouveaux partis Podemos et Cuidadanos, qui pourraient rafler Madrid et Barcelone. La droite au pouvoir reste en tête, mais avec son pire score depuis 1991. Le bipartisme espagnol a vécu.
Le panorama politique espagnol ressort bouleversé des élections municipales et régionales du dimanche 24 mai 2015. Le bipartisme qui marquait la vie politique du pays depuis la mort de Franco et le retour de la démocratie en 1975 a volé en éclats. Le Parti populaire (PP) au pouvoir a reculé de façon sensible dans de nombreuses municipalités et parlements régionaux. Si l'on additionne son résultat national avec celui du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), le constat est sans appel : près de la moitié du pays a choisi de ne pas voter pour les deux partis majeurs.
Le mouvement politique Podemos, issu du mouvement des « indignés », mais aussi Ciudadanos, une formation centriste qui axe son discours contre la corruption, ont fait sensation dans les grosses régions et les grandes villes d'Espagne. Surtout Podemos, qui pourra ainsi s'appuyer sur la prise de bastions, et potentiellement non des moindres, pour relancer sa dynamique. Rappelons que des élections législatives sont prévues cette année en Espagne.
Le leader de Podemos, Pablo Iglesias, a évoqué « une nuit historique en Espagne, qui pointe vers le changement ». « Pour nous, c’est un orgueil et un honneur d’avoir été le levier de ce changement. Je crois qu’il y a deux lectures de ce changement. La première, c’est que comme chaque changement politique important en Espagne, les grandes villes sont le moteur fondamental de cette mutation politique. La deuxième lecture, c’est le début de la fin du bipartisme : les vieux partis du pouvoir ont obtenu les pires résultats de leur histoire. »
► à (ré)écouter : Barbara Loyer, directrice de l’institut français de géopolitique de l’université Paris 8 et spécialiste de l’Espagne, était l'invitée de RFI à la mi-journée
A Madrid, une ancienne juge septuagénaire et « indignée »
Notre correspondant à Madrid François Musseau fait l'inventaire. Au niveau local, première surprise : la liste Ahora Madrid de l'ancienne juge Manuela Carmena arrive en seconde position dans la capitale (20 conseillers municipaux), à un siège de la liste conduite par la candidate du PP (21 sièges), qui détenait la majorité absolue à Madrid depuis plus de 15 ans. Et du haut de ses 71 ans, Mme Carmena, dont la liste est soutenue par Podemos, a des chances de devenir maire, grâce aux votes des élus du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE, 9 sièges), qui devraient lui revenir.
« Ces élections, ce n’est pas notre parti qui les a gagnées, ni les autres formations, ce sont les citoyens qui les ont gagnées, c’est vous qui les avez gagnées ! », a lancé à la foule Manuela Carmena après les résultats, alors que son adversaire conservatrice, l'ancienne ministre Esperanza Aguirre, avait de son côté la tête des mauvais jours.
A Barcelone, une autre « indignée » en lutte contre les expulsions
L'autre surprise locale arrive de Barcelone, deuxième ville du pays, où les nationalistes catalans sont devancés par une liste de la même tendance que celle qui a séduit Madrid. Dans la capitale de Catalogne, la liste citoyenne menée par Ada Colau, figure de la lutte contre les expulsions immobilières, une autre candidate « indignée » soutenue notamment par Podemos, devrait rafler les clés de la mairie.
« Avec nous, les gens communs, ceux qui en général n’ont aucun pouvoir politique, social, médiatique, judiciaire, ont eu une opportunité historique », a déclaré, très émue, Ada Colau. A 41 ans, cette femme issue de la société civile est sur le point de mettre un terme à 30 ans de domination des partis nationalistes et socialistes à Barcelone. Elle pourrait aussi devenir la première maire issue du mouvement des « indignés ». Sa liste a 11 sièges, contre 10 pour les nationalistes.
Le début d'une « ère de dialogue, d’accords et d’alliances »
Ailleurs, comme à la Corogne, Saragosse, Séville ou Cadix, on voit aussi l’irruption des deux partis « stars » de la soirée, Podemos et Ciudadanos. Pour le PP du Premier ministre Mariano Rajoy, les résultats sont aigre-doux. Bien qu'en forte chute (une dizaine de points), il reste le premier parti en termes de votes, et arrive en tête dans la plupart des parlements régionaux. Mais il n’obtient la majorité absolue dans aucune des huit régions qu'il gouvernait seul, et aura du mal a sceller des alliances. Globalement, il perd l’énorme pouvoir territorial acquis en 2011.
Quant aux socialistes du PSOE (en repli de 3 points), ils restent la deuxième force au niveau national. Mais comme le parti au pouvoir, le PSOE va devoir composer avec les nouveaux acteurs. La logique voudrait que les nombreux partis de gauche gouvernent ensemble dans la plupart des grandes villes et des régions. Au terme d'un scrutin qui donnait un avant-goût des élections législatives de novembre prochain, les différents partis vont donc entamer une délicate période de tractations, de compromis et de formation de coalitions dans 13 des 17 régions appelées aux urnes.
Le « round » des négociations s'annonce délicat. Carlos Floriano, numéro 3 du PP, l'a d'ailleurs bien compris : « Les citoyens, dit-il, ont clairement dit que l’option majoritaire du pays, c’est le Parti populaire. Aussi bien au niveau municipal que pour les parlements régionaux, nous avons de nouveau gagné ce scrutin. Ceci étant dit, avec le plus grand respect dû à nos adversaires politiques, nous sommes très conscients que désormais commence une ère de dialogue, d’accords et d’alliances. Et dans son histoire, le Parti populaire a montré qu’il en était capable. »
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