Anvers, nouvelle porte d’entrée de la cocaïne en Europe
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Anvers, la seconde ville de Belgique, est devenue la plaque tournante du trafic de cocaïne en Europe. L’alerte a été donnée par le maire d’Anvers, un an après celle qu’avait lancée la police fédérale. En dehors de saisies record portant sur d’énormes cargaisons, les données des Nations unies et de l’Observatoire européen des drogues et de la toxicomanie (OEDT) concordent.
Un seuil a été franchi. Les propos alarmants tenus par Bart De Wever, le maire d’Anvers, début septembre, après une énième saisie de plus d’une tonne de cocaïne, ne laissent aucun doute : « On n’est pas loin du point où les hommes politiques peuvent se faire acheter, tant les sommes tirées du trafic de cocaïne sont colossales. La société est menacée. »
En septembre 2017, déjà, la police fédérale avait tiré l’alarme sur l’existence à Anvers d’une économie parallèle menée par les cartels colombiens et les trafiquants néerlandais, avec un niveau de corruption sans précédent.
50 millions d'euros la tonne de cocaïne
Les calculs sont vite faits. Chaque tonne de cocaïne a une valeur marchande d’au moins 50 millions d’euros. La Belgique a supplanté l’Espagne en 2016 avec 29 tonnes interceptées, soit 43 % de toutes les saisies en Europe, puis 41 tonnes en 2017 – dont 38 à Anvers, contre 4,7 tonnes en 2013. Un record a été atteint fin décembre, avec 7 tonnes découvertes dans un container de bananes en provenance de Colombie. Un autre chargement de 1,5 tonne a été trouvé en août dans un container de bananes venu d’Equateur, et quelques jours plus tard, encore 1,7 tonne dans un container de troncs d’arbres chargés en Colombie.
Les chiffres de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) sur les saisies faites de l’autre côté de l’Atlantique concordent. La moitié des cargaisons de cocaïne interceptée dans les ports d’Amérique latine et des Caraïbes en 2017 et 2018 avaient pour destination le seul port d’Anvers. Soit 32 tonnes sur les 76 tonnes saisies en deux ans, a annoncé le 10 septembre l’Unité de contrôle des containers de l’UNODC, basée à Panama.
Une ville noyée sous la cocaïne ?
La plus grosse ville de la région flamande, 1,2 million d’habitants, est-elle noyée dans la coke ? Le fait est connu en Belgique : la drogue y est consommée sur place à son niveau le plus pur d’Europe – puisqu’elle n’a pas encore été « coupée » avec d’autres produits chimiques pour la diluer et augmenter les profits. Mais le port d’Anvers, avec Gand et Zeebrugge, sert surtout de plaque tournante vers d’autres pays d’Europe.
A commencer par les Pays-Bas, frontaliers, où sévissent les cartels locaux. Après les saisies faites à Anvers en août, trois personnes ont été interpellées à Woerden, aux Pays-Bas, où le container avait sa destination finale. Les suspects appartiennent à Van Wanrooy Transport, une société de transport ayant pignon sur rue. Les barons néerlandais de la cocaïne, un business souvent concomitant à celui de la prostitution - légale aux Pays-Bas - contournent la sécurité renforcée au port de Rotterdam. La manutention et le scannage des containers y ont été automatisés, de même que la cyber sécurité, pour éloigner le plus possible du fret maritime la main de l’homme.
Un port ouvert, qu'on peut traverser en voiture
C’est là que le bât blesse au port d’Anvers, un site immense et « ouvert » qu’il est possible de traverser en voiture, et non « fermé » comme le port de Rotterdam. « Les portiques à scanners ne se trouvent pas comme à Rotterdam sur les terminaux à containers », constate Bob Van den Berghe, ancien officier de police à Anvers et responsable du programme de contrôle des containers de l’UNODC en Amérique latine.
Des manipulations sont donc possibles, dans un port gigantesque qui emploie 60 000 personnes, et où un navire accoste toutes les deux minutes. Le quai fruitier du port serait le plus vulnérable, rapporte le Journal du Dimanche. Le crime organisé néerlandais, belge, italien, albanais et turc tournerait autour du port, menaçant la sécurité des dockers qui refusent de se laisser corrompre. Des flyers anonymes avaient été distribués dans la ville, en février, menaçant de mort les « informateurs » de la police.
Une équipe spéciale de 80 personnes
La mairie a monté en mars une équipe de 80 personnes dénommée « Kali-team », qui associe la police, les douanes, le parquet et l’inspection sociale. L’objectif est de multiplier les contrôles sur les dockers et employés du port, mais aussi les « salons de massage » et autres petites entreprises de la ville, garages compris, qui se font payer en liquide. Elles servent à blanchir de l’argent, mais ne se trouvent qu’au bas de la chaîne, et non au sommet, où trempent les plus lourdes complicités.
Selon le Wall Street Journal, des agents de la US Drug Enforcement Agency sont également actifs auprès de la police belge, pour empêcher Anvers d’approvisionner les Etats-Unis. Stanny De Vlieger, le chef de la police fédérale à Anvers, estime que le meilleur moyen de « sécuriser le port serait d’en construire un nouveau en repartant de zéro ». De son côté, le port réagit mollement, en déclinant toute responsabilité, face à la polémique : « Notre vocation n’est pas d’enquêter, affirme son porte-parole, nous aidons la police à faire son travail ».
→ A lire aussi : Drogue: saisie record de 8 tonnes de cocaïne à Anvers
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