Russie: interpellations massives lors de nouvelles manifestations pro-Navalny
La police a interpellé ce dimanche 31 janvier plus de 5 100 personnes en Russie, dont plus de 1 600 à Moscou, lors d'une nouvelle journée de manifestations pour exiger la libération d'Alexeï Navalny, selon le décompte de l'ONG OVD-Info.
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Le bilan de cette nouvelle journée de manifestations en Russie est lourd. Selon l'organisation OVD-Info, spécialisée dans le suivi des manifestations, plus de 5 100 personnes ont été interpellées dans 85 villes, principalement à Moscou et Saint-Pétersbourg. Le bilan de la semaine dernière – plus de 4 000 arrestations – est donc dépassé.
Les interpellations de ce dimanche ont été immédiatement condamnées par les États-Unis et l'Union européenne. Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a dénoncé les « tactiques brutales » de la police contre des « manifestants pacifiques », la diplomatie russe dénonçant elle l'« ingérence grossière » des États-Unis dans ses « affaires intérieures ».
Le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, a quant à lui déploré sur Twitter « les interpellations massives » et « l'usage disproportionné de la force » contre les manifestants et les journalistes. « Les gens doivent avoir la possibilité d'exercer le droit de manifester sans crainte de répression. La Russie doit respecter ses engagements internationaux », a-t-il écrit.
À Moscou, le chat et la souris
Dans la capitale, cette journée de mobilisation s'est transformée en un jeu du chat et de la souris. Plus d’une dizaine de stations de métro ont été fermées et l’hyper-centre était totalement bouclé par les forces de l'ordre. Les organisateurs qui avaient d'abord appelé les manifestants à se rassembler devant le bâtiment de la Loubianka, le siège du FSB, ont dû changer plusieurs fois de lieu de rendez-vous.
Les cortèges ont peiné à se former et ont été très vite dispersés par la police. Le dernier point proposé, la station de transport en commun la plus proche du lieu de l'incarcération d'Alexeï Navalny, a ainsi été bouclé par les forces de sécurité. Dès lors, difficile d'évaluer le nombre de manifestants à Moscou. Mais OVD-Info a recensé plus de 1 300 interpellations.
Rassemblement sur les eaux glacées à Vladivostok
Dans d’autres villes de Russie, notamment à Ekaterinbourg dans l’Oural et à Novossibirsk en Sibérie, ce sont plusieurs milliers de personnes qui ont répondu à l’appel d’Alexeï Navalny et de ses partisans, cela mlagré la pression policière et le risque d’arrestation.
Les rassemblements ont débuté dans la partie la plus orientale du pays. À Vladivostok par exemple, les manifestants dispersés par la police ont d’ailleurs décidé de finalement se retrouver sur les eaux glacées qui bordent la ville. Il faut dire que ces rassemblement dans l’Extrême-Orient et en Sibérie se font par des températures glaciales, -30 à -40 degrés par endroits.
C’est d’ailleurs ce qui avait frappé les observateurs la semaine dernière : le nombre inédit de villes en Russie où les manifestations se sont déroulées – dans des lieux où jamais depuis la fin de l’URSS on ne s’était mobilisé sinon pour des causes locales.
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Intimidations
Avant cette journée, les autorités ont tout fait pour intimider les partisans de Navalny. Des intimidations qui visent d’abord l’entourage de l'opposant, avec une vingtaine de perquisitions et de nombreuses arrestations intervenues dans le courant de la semaine.
Plusieurs figures de l’opposition, des proches d’Alexeï Navalny sont poursuivies pour avoir lancé des appels à manifester en dépit des restrictions liées au coronavirus, et elles ont été assignées à résidence. Des pressions ont été exercées sur les étudiants et lycéens qui ont reçu des messages de la part de leurs professeurs, leur expliquant que s’ils partaient manifester, ils risquaient de perdre leur place à l’université, notamment. Des étudiants ont d'ailleurs été expulsés pour avoir manifesté. Mêmes pressions dans les services publics où les employés sont régulièrement invités à ne pas participer à ce genre de rassemblements.
Les autorités russes avaient prévenu : elles se montreront très fermes à l’égard des personnes qui iraient manifester, les rassemblements étant considérés comme illégaux. Pour les autorités, il s’agit clairement de décourager les Russes, de casser la mobilisation qui est née la semaine dernière et que les partisans de Navalny aimeraient installer dans la durée. « N’ayez pas peur, a déclaré de son côté Alexeï Navalny dans une lettre écrite de sa prison et publiée sur Internet. La majorité est de notre côté, allez la réveiller. »
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Les manifestations de ce dimanche montrent une fois encore que l'opposant dispose d’une base partisane dans toute la Russie capable de se mobiliser, analyse notre correspondant à Moscou, Jean-Didier Revoin. Cette mobilisation importante exprime également le mécontentement d’une partie de la population sur la façon dont le pays est dirigé.
Et c’est sur cette défiance des autorités que compte Alexeï Navalny pour s’attirer la clémence des juges dans le jugement de deux affaires qui le concernent. Le premier, où il risque plus de deux ans de prison ferme, aura lieu mardi. Il a déjà appelé ses partisans à venir le soutenir lors de l’audience.
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