Reportage

Merkel, l’heure du bilan: à Dresde, une industrie plus autonome et tournée vers l’avenir

Assemblage d'une voiture électrique Volkswagen ID 3 dans l'usine du groupe automobile à Dresde, le 8 juin 2021.
Assemblage d'une voiture électrique Volkswagen ID 3 dans l'usine du groupe automobile à Dresde, le 8 juin 2021. © AFP

Priorité de tous les chanceliers, l’économie allemande a dû faire face à une conjoncture mondiale très délicate durant les années Merkel. Mais après 16 ans de pouvoir, la « femme la plus puissante au monde » laisse un pays au taux de chômage divisé par deux et aux finances solides. Symbole d’une politique qui a su garder le cap dans les tempêtes, la ville de Dresde, en Saxe, région de l'ex-RDA à forte tradition d’industrie de pointe, affiche une croissance économique supérieure à la moyenne. Reportage.

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De notre envoyée spéciale, 

On la surnommait jadis « la Florence de l’Elbe », et c’est peu de dire que l’aspect baroque de Dresde nous saisit dès les premières minutes de notre arrivée. La ville complètement détruite pendant la Seconde Guerre mondiale a été reconstruite à l'identique. En se promenant dans la vieille ville, on a du mal à imaginer que la capitale de la Saxe aux palais rococo abrite la fine fleur de l’électronique mondiale.

Angela Merkel a inauguré en juin 2021 une nouvelle usine de semi-conducteurs de l'équipementier automobile Bosch. Ce secteur emploie plus de 60 000 personnes dans plus de 2 000 entreprises installées dans la région. 

Les semi-conducteurs, un secteur stratégique pour l'Allemagne

Les semi-conducteurs, ce sont ces petits circuits utilisés dans les téléphones mobiles, les stations wifi mobile, les ordinateurs et les automobiles. Ils sont composés de silicium et capables de relayer du courant électrique.

Galette de silicium de 300 mm de diamètre. Une plaque comme celle-ci peut servir à fabriquer plusieurs centaines de processeurs à la fois.
Galette de silicium de 300 mm de diamètre. Une plaque comme celle-ci peut servir à fabriquer plusieurs centaines de processeurs à la fois. © Patricia Blettery/RFI

Depuis mars 2020, l’augmentation du travail à domicile due à la pandémie de coronavirus a conduit à une accélération de la demande. Il s’agissait en période de confinement de continuer à vivre normalement et donc de rester connectés, notamment entre collègues.

Plusieurs sites clés de fabrication de semi-conducteurs ont été contraints d'arrêter la production, en raison de fermetures d'usines, comme en Malaisie par exemple. À cette occasion, « l’Europe s’est rendue compte qu’elle avait une très grande dépendance vis-à-vis des États-Unis et de la Chine », explique Isabelle Ferain, ingénieur électronique qui nous reçoit chez GlobalFoundries, détenu par Global Mubadala Investment basé à Abou Dhabi. Le fondeur de puces travaille essentiellement dans le secteur des télécoms, de la défense, de l'industrie aérospatiale et bien sûr le marché automobile.

Non loin de là, les sites de Bosch et d’Infineon, numéro un allemand de la puce. « Il y a ici, à Dresde, un terreau de très bons ingénieurs formés en physique, en chimie à la TU Dresden ( Technische Universität Dresden), à la TU Chemnitz. Nous sommes très proches de très bons centres de recherche, le Fraunhofer Institute (centre de recherche et développement allemand) présent à Dresde, le CEA-Leti (Centre de recherche appliquée en microélectronique et nanotechnologies) en France, l'Imec en Belgique (Institut de micro-électronique et composants). Ils sont donc capables très rapidement d'apprendre et de développer de nouveaux procédés en semi-conducteurs ».

Un énorme potentiel économique qu'a bien compris l'Union européenne puisqu'elle investit énormément via des alliances entre industriels et chercheurs publics et privés, tout comme les gouvernements locaux qui ont lancé des partenariats dans le domaine de la formation et de l'équipement.  

L'industrie automobile pénalisée par la pénurie

Le manque de puces est une préoccupation importante pour l’industrie automobile. Il faut dire que le passage aux véhicules électriques a exacerbé la pénurie. À Dresde, Volkswagen a installé la fabrique de verre, Gläserne Manufaktur, un site de production situé dans le centre, sorte de vitrine de la marque où l’on peut apercevoir la chaîne de montage de la voiture ID 3.

La Gläserne Manufaktur invite le public à découvrir les étapes de production de l'I.D 3, véhicule électrique de Volkswagen.
La Gläserne Manufaktur invite le public à découvrir les étapes de production de l'I.D 3, véhicule électrique de Volkswagen. © Patricia Blettery/RFI

Le constructeur automobile allemand affiche ainsi la stratégie électrique du groupe. Avec des ventes en forte hausse depuis début 2021, l'Allemagne compte désormais plus d'un million de voitures 100% électriques en circulation. Un dynamisme bienvenu après la crise du diesel et un tournant qui profite bien évidemment à la région, en plein essor économique, même si celui-ci est encore peu visible en Allemagne.

Un miracle économique

Dans les rues de Dresde, le Fürstenzug, fresque murale de 102 mètres de long, illustre bien la longévité de la Saxe et son imposante histoire. Pas moins de 24 000 carreaux de porcelaine pour représenter une longue lignée de souverains saxons.

La fresque du Fürstenzug à Dresde représente la lignée des 35 Princes de Saxe depuis Konrad le Grand en 1127 jusqu'à Frédérique Auguste III en 1918.
La fresque du Fürstenzug à Dresde représente la lignée des 35 Princes de Saxe depuis Konrad le Grand en 1127 jusqu'à Frédérique Auguste III en 1918. © Patricia Blettery/RFI

Anéantie par l’aviation britannique en février 1945, la ville renait dans la jeune RDA. Sous contrôle soviétique, la région est remaniée profondément. Mais la réunification des deux Allemagne est un coup dur. Les industries anciennes sont remplacées par des filiales d'entreprises ouest-allemandes. Le taux de chômage flambe. Région à longue tradition d’industrie de pointe, elle va bénéficier de mesures économiques visant à adapter les conditions de vie économiques de l’Est à celles de l’Ouest. Dans les années 1990, les entreprises touchent des subventions pour venir s’y installer. Le taux de chômage de manière générale en ex-RDA passe de 18,7 % en 2005, à 6,8 % en 2019. Aujourd’hui plusieurs entreprises innovantes dans le domaine de la santé, de l’électronique et de la robotique font la réputation de la ville. Jusqu’au 22 septembre se tient d'ailleurs à Dresde le premier festival international de robotique faisant mériter à la région son surnom de Silixon Saxony. 

Si le rattrapage économique de la ville de Dresde est bel et bien une réalité, la ville se bat toujours avec ses vieux démons. Le mouvement d'extrême-droite Pegida anti-migrants et anti-islam né en 2014 continue de se réunir régulièrement dans les rues de Dresde.

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