Migrants: l’Union européenne dénonce une instrumentalisation de la crise de la part de Minsk

Crise des migrants à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Côté polonais, les forces de sécurité verrouillent les points de passage, le 8 novembre 2021.
Crise des migrants à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Côté polonais, les forces de sécurité verrouillent les points de passage, le 8 novembre 2021. REUTERS - Kacper Pempel

La tension ne cesse de monter à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Plusieurs milliers de réfugiés convoyés par la Biélorussie se trouvent actuellement massés à la frontière. La Pologne, l’Otan et l’UE accusent les autorités biélorusses d’instrumentaliser cette crise, et d’utiliser ces migrants pour faire pression sur l’Europe. 

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Avec notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet, Daniel Vallot, du service international et Romain Lemaresquier, envoyé spécial

Face aux accusations de l'UE, la Biélorussie reconnaît la présence de ces migrants sur son territoire, mais affirme que ces hommes, femmes et enfants sont entrés légalement en Biélorussie, et que c’est la Pologne et l’Union européenne qui sont dans l’illégalité en refusant de les accueillir sur leur territoire.

Minsk dément utiliser ces migrants, et accuse les pays européens de ne pas prendre leurs responsabilités. L’argument peut surprendre étant donné que ces migrants venus de pays du Moyen-Orient ont bel et bien été acheminés en Biélorussie par avion, des avions affrétés par la compagnie aérienne Belarus.

La Pologne accuse en outre les autorités biélorusses de convoyer vers la frontière les migrants, et ensuite de les empêcher de rester sur le sol biélorusse, de les forcer en quelque sort à se rendre en Pologne.

à Sokółka, à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne

La zone où se trouvent les migrants a été mise en place par le gouvernement polonais dans le cadre de l'état d'urgence. Il s’agit d’un territoire qui s’étend tout le long de la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, c’est-à-dire sur 418 kilomètres et qui fait, selon les endroits, de deux à trois kilomètres de large.

Une zone interdite à la presse et aux ONG, ce qui nous empêche donc de constater visuellement ce qui s’y passe. Des checkpoints ont été mis en place un peu partout, seuls les habitants des villages situés à l’intérieur de ce périmètre sont autorisés à y rentrer.

Dans cette zone, les autorités polonaises ont déployé un nombre considérable de forces de sécurité : des soldats, des gendarmes, des policiers, des gardes-frontières… C'est une région très densément boisée, tant du côté polonais que du côté biélorusse dans laquelle il est difficile de se frayer un chemin.

La motivation du régime biélorusse

Selon la Pologne et l’Union européenne, Minsk utilise cette crise migratoire pour faire pression sur Bruxelles, suite aux sanctions prises à l’encontre du régime biélorusse. À l’été 2020, Alexandre Loukachenko a été réélu dans des conditions frauduleuses, il a ensuite réprimé violemment la contestation qui a suivi, et dans la foulée l’UE a pris des sanctions contre la Biélorussie.

Aujourd’hui, le régime biélorusse utiliserait donc cette arme migratoire soit pour punir l’Europe soit pour obtenir une levée ou un assouplissement des sanctions. Alexandre Loukachenko pense peut-être à la Turquie de Recep Tayyip Erdogan qui avait obtenu en 2015 une aide financière pour endiguer le flot des réfugiés vers les pays  européens.

Vers de nouvelles sanctions contre Minsk ?

Mais c’est un jeu dangereux que joue le dirigeant biélorusse, car à la différence de la crise de 2015, les migrants qui se trouvent aujourd’hui sur son territoire ont été convoyés volontairement par le pays, pour l’heure ce qui se profile, c'est l’inverse de l’effet recherché. Bruxelles envisage en effet de prendre de nouvelles sanctions contre Minsk.

Et puis autre contrecoup de la crise, si la Pologne et les pays baltes parviennent à endiguer le flot de migrants, c’est la Biélorussie qui va devoir gérer la présence sur son sol de ces milliers de personnes. C’est donc une arme à double tranchant que le régime biélorusse a choisi d’utiliser.

Le positionnement de l'Union européenne

Alors que le gouvernement polonais affirme que 10 000 migrants supplémentaires seraient en train de s’approcher de la frontière, au Parlement européen, le président du groupe conservateur résume le sentiment général et plaide pour des frontières européennes fortes et accuse Alexandre Loukachenko de chantage.

L’Union européenne elle-même se range aux côtés de la Pologne, dont le Premier ministre polonais avertit que ce sont la stabilité et la sécurité de l’UE qui sont en jeu. Les différends entre les institutions de l’UE et le gouvernement polonais sont donc mis de côté pour faire face à la Biélorussie.

La solidarité européenne est désormais de mise : le président du Conseil européen, Charles Michel, et la présidente de la commission Ursula von der Leyen qualifient officiellement d’inacceptable l’instrumentalisation des migrants à des fins politiques. Cette dernière décrit même la situation comme une « attaque hybride » de la part de la Biélorussie. Elle demande aux 27 capitales de l’Union d’adopter une extension des sanctions contre le régime d’Alexandre Loukachenko.

Ursula von der Leyen propose même d’interdire l’espace aérien et les aéroports européens aux compagnies aériennes qui ont transporté les migrants jusqu’en Biélorussie, se rendant ainsi coupables, de « trafic d’êtres humains ».

Le chef de la diplomatie européenne et un vice-président de la Commission sont chargés de se rendre dans les pays de départ des migrants pour évoquer leur réadmission. L’UE s’oriente donc vers une solution où les migrants pourraient passer la frontière pour ne pas rester dans une situation à risque, mais pour ensuite être reconduits dans leurs pays.

► Écouter aussi : Dans le dossier des migrants, « les dernières déclarations parlent de guerre hybride »

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