Crise des migrants Pologne-Biélorussie: les États s'invectivent, les migrants pris au piège

La Pologne a annoncé mercredi 10 novembre avoir lancé un coup de filet contre les migrants massés à la frontière et procédé à plus d'une cinquantaine arrestations.
La Pologne a annoncé mercredi 10 novembre avoir lancé un coup de filet contre les migrants massés à la frontière et procédé à plus d'une cinquantaine arrestations. Leonid Shcheglov BELTA/AFP

Plusieurs milliers de réfugiés sont toujours massés à la frontière du côté biélorusse faisant face au dispositif militaire mis en place par la Pologne. Ce sont désormais 15 000 soldats polonais qui ont été déployés sur la zone. Varsovie explique ce mercredi 10 novembre avoir empêché plusieurs tentatives de traversées dans le courant de la nuit.

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Le ministre polonais de la Défense assure qu'il n'y a pas eu de tentative massive sur un seul point de la frontière comme cela a été le cas en début de semaine, mais des tentatives simultanées de petits groupes de migrants à différents points de la frontière. La police polonaise affirme de son côté avoir arrêté une cinquantaine de personnes accusées d’avoir tenté de traverser illégalement la frontière.

Alors que toujours plus de migrants se déplacent vers la Pologne, mais aussi la Lettonie et la Lituanie, Varsovie accuse la Biélorussie de faire usage de la force et de menaces physiques pour contraindre les migrants à entrer sur son territoire. De son côté, Minsk dénonce les violences exercées par les militaires et les policiers polonais pour empêcher ces migrants de traverser la frontière.

Ce qu'il se passe, ce que fait le régime biélorusse, ça s'appelle tout simplement du trafic d'êtres humains. On utilise des êtres humains, des hommes, des femmes, des enfants, qu'on masse à une frontière, on menace, pour faire pression sur l'Union européenne

Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement français

 

« C’est une vengeance de Loukachenko »

La situation reste donc très tendue et pour l'instant, sur le front diplomatique, rien ne semble devoir évoluer : Bruxelles agite la menace de nouvelles sanctions contre la Biélorussie, celle-ci assure par la voix de son président Alexandre Loukachenko qu'elle ne « se mettra pas à genoux ». L'UE tente de démontrer sa détermination face à Minsk, explique notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet.

Le président du Conseil européen Charles Michel a fait le déplacement à Varsovie pour marquer le soutien politique de l'Union, son unité. Tout un symbole : les différends entre les institutions européennes et la Pologne sont ainsi, pour l'instant, enterrés. L'Europe dénonce de la part de la Biélorussie des actions inacceptables, qualifiées d'attaque systémique contre l'UE.

Le Premier ministre polonais estime aussi que l'action de la Biélorussie équivaut à un terrorisme d’État. « C’est une vengeance de Loukachenko parce que nous avons soutenu des élections démocratiques en Biélorussie, que nous avons soutenu les gens en Biélorussie en août de l'an dernier, et que nous soutenions et espérions des changements », considère le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki.

Charles Michel espère débloquer des fonds : « Nous avons aussi un débat sur la question du financement par l'Union européenne des infrastructures physiques, et nous pensons qu'il faudra aussi clarifier la capacité pour l'Union à faire preuve de solidarité ou pas vis-à-vis des pays qui sont en première ligne, pour protéger leurs frontières nationales qui sont aussi les frontières de l'UE. »

« Aujourd'hui, nous ne défendons pas seulement la frontière polono-biélorusse, nous défendons le flanc oriental de l'Union européenne et la frontière orientale de l'Otan », confirme le chef du gouvernement polonais. Mais il leur faudra désormais convaincre la Commission européenne, dont la présidente Ursula von der Leyen affirme ne pas vouloir « financer de barbelés » anti-migrants.

Quid du rôle de Moscou dans ce dossier ?

Par ailleurs, la Pologne accuse la Russie de Vladimir Poutine, principal allié de la Biélorussie, d'être le véritable commanditaire de cette crise migratoire. L'accusation a été rejetée ce mercredi par le Kremlin : « Nous considérons comme absolument irresponsables et inacceptables » ces accusations, a déclaré ce mercredi Dmitri Peskov, le porte-parole du président Vladimir Poutine.

La chancelière allemande Angela Merkel a demandé au président russe « d'agir » contre une « instrumentalisation » par la Biélorussie. Quant à l'ONU, il demande aux concernés de prendre « des mesures immédiates pour désamorcer et résoudre cette situation intolérable conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international, des droits humains et du droit des réfugiés ». Des propos de la haute-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Michelle Bachelet.

Le chef de la diplomatie russe reçoit son homologue biélorusse Vladimir Makei,  à Moscou, le 10 novembre 2021.
Le chef de la diplomatie russe reçoit son homologue biélorusse Vladimir Makei, à Moscou, le 10 novembre 2021. REUTERS - POOL

Moscou affiche son soutien à son voisin biélorusse dans la crise des migrants qui oppose Minsk à l’Union européenne. Recevant à Moscou le chef de la diplomatie biélorusse, Sergueï Lavrov a dit espérer que les pays européens responsables ne laisseraient pas entraîner dans une spirale dangereuse.

Le ministre russe des Affaires étrangères a clairement pris fait et cause pour Minsk dans le différend qui l’oppose à l’Union européenne. Sergueï Lavrov a reproché à la Pologne, à la Lituanie et à la Lettonie, trois pays qui voient affluer sur leur territoire des migrants venus du Moyen-Orient via la Biélorussie, de ne pas parler directement avec les autorités biélorusses, rapporte notre correspondant à Moscou Jean-Didier Revoin. Un point de vue partagé par Vladimir Poutine qui a précisé à Angela Merkel lors d’un entretien téléphonique, que la crise devait être résolue par des contacts directs entre Bruxelles et Minsk.

Quant au porte-parole du Kremlin, il a répondu aux attaques. Dmitri Peskov a qualifié d’irresponsables et d’inacceptables les propos du Premier ministre polonais qualifiant Moscou de cerveau de cette crise. Il a renchéri en soulignant que la réticence des Européens à manifester leur attachement à leurs valeurs européennes ouvrait la voie à une crise humanitaire. Des propos forts, dont on se demande s’ils n’ont pas pour but de contraindre l’UE à reprendre langue avec Minsk alors que Bruxelles n’a pas reconnu la réélection contestée d’Alexandre Loukachenko en août 2020.


Ces personnes sont bloquées aux frontières de ces pays, et ces pays ont donc l'obligation de leur fournir un abri, de l'eau, de la nourriture et des soins. Ils ont également l'obligation de leur accorder la protection à laquelle ils ont droit. Certains d'entre eux peuvent obtenir le statut de réfugié, et il faut déterminer s’ils méritent ou non ce statut.

Ravina Shamdasani, porte-parole de Michelle Bachelet


 

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