Réfugiés: nouvelle visite symbolique du pape François à Lesbos

Au cœur d’une visite de trois jours en Grèce, pays orthodoxe, le pape fait une escale ce dimanche matin dans le camp de réfugiés de Lesbos où vivent actuellement un peu plus de 2000 demandeurs d’asile. Après 2016, il s’agit de la deuxième visite du souverain pontife sur cette île grecque, symbole des flux migratoires, qui a notamment abrité le camp de Moria -longtemps le plus grand d’Europe- détruit par un incendie en septembre 2020.

Le camp de migrants de Mavrovouni sur l'île de Lesbos le 4 décembre, veille de la visite du pape François.
Le camp de migrants de Mavrovouni sur l'île de Lesbos le 4 décembre, veille de la visite du pape François. REUTERS - ELIAS MARCOU
Publicité

avec notre envoyé spécial à Lesbos, Joël Bronner

Un des motifs de cette deuxième visite du pape en Grèce en cinq ans semble être de tenter d’améliorer les relations entre l’Église catholique et le clergé orthodoxe, deux différentes familles de la religion chrétienne. Mais en ce qui concerne son passage spécifique sur l’île de Lesbos qui -comme l’île italienne de Lampedusa- est devenue un symbole des flux migratoires à destination de l’Europe, l’objectif affiché est plutôt d’adresser un message politique au continent européen, « déchiré », selon ses mots, « par les égoïsmes nationalistes ». Et cela, comme il l’a regretté ce samedi lors d’un discours à Athènes, au lieu de se comporter comme « un moteur de solidarités ».

Lesbos a changé

Le pape était déjà venu à Lesbos en 2016 et Lesbos a changé, l’Europe a changé et les flux migratoires, eux aussi sont différents. En 2015 et 2016, à l’époque de ce qui a été qualifié de « crise migratoire » européenne, il pouvait arriver jusqu’à 10.000 migrants et demandeurs d’asile par jour sur l’île de Lesbos.

À lire aussi: Avant l'arrivée du pape à Lesbos, on améliore un peu les conditions d'accueil des migrants

Aujourd’hui, le camp de réfugiés de Lesbos, strictement surveillé, compte en tout quelque 2200 personnes. Sur place, les attitudes solidaires du début ont largement laissé place à la lassitude, après la mise en place de la politique européenne dite des hotspots, qui bloquaient les migrants à leur point d’arrivée et dont Moria a été un symbole. D’ailleurs, en 2016, le pape était passé et par le camp de Moria et par le port de la capitale Mytilène, alors qu’il devrait se contenter, cette fois-ci, d’un passage express par le nouveau camp.

À lire aussi: en Grèce, inauguration de deux centres fermés pour migrants à Leros et Kos

Les attentes des réfugiés

Cette visite semble revêtir avant tout un aspect symbolique, à l’heure où, concrètement, l’Europe se referme sur elle-même. En ce qui concerne la Grèce, les camps y sont de plus en plus fermés et difficiles d’accès, les migrants sont régulièrement criminalisés, au même titre d’ailleurs que les ONG. Tandis que les refoulements, eux, sont monnaie courante. 

À l’heure de la messe, devant la petite église catholique de sainte Marie de l’Assomption, Inisse Kiakou se réjouit de l’arrivée prochaine du pape. À Lesbos depuis près de deux ans, la Congolaise veut y voir le signe d’un avenir meilleur, bien que la demande d’asile de sa famille ait pour l’instant été rejetée. « On n’a que des rejets ; depuis 2020 que nous sommes ici, on n’a que des rejets. L’arrivée du pape c’est une bénédiction pour nous. C’est vraiment une grâce pour moi et pour ma famille aussi parce que je ne suis pas seule, je suis avec mon mari et mes deux enfants. »

Une visite avant tout symbolique ?

Après un an sur l’île, Christian Tango, également Congolais, fait partie des deux familles choisies pour s’entretenir directement avec le pape ce dimanche. Lui qui, au quotidien, dit se sentir enfermé dans le camp de Lesbos, y voit là un honneur et une responsabilité. « C’est un miracle, comme je crois au miracle. Ça nous apporte de l’espoir, je pense que tout peut changer. Nous allons plaider au pape de transmettre le message à l’Europe d’entendre nos cris, nos détresses, nos souffrances ». Et ce message, l’homme de 31 ans dit vouloir l’adresser au nom de l’ensemble des demandeurs d’asile présents en Grèce, au-delà des frontières de Lesbos.

Mais les politiques en œuvre à la porte de l’Europe semblent très éloignées des discours du pape qui appelle à davantage de solidarité. À l’heure où, par exemple, 24 travailleurs humanitaires sont jugés pour être venus en aide à des demandeurs d’asile et que la solidarité semble considérée comme un possible délit, les propos du pape lors de cette visite risquent bien d'apparaître davantage comme des vœux pieux que comme un possible infléchissement des politiques en cours.

À écouter aussi: La Grèce se ferme aux réfugiés afghans 

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI