Génération post-soviétique: Vladimir Vladimirovitch Téléguine, le «patriote»
Le 26 décembre 1991, l’URSS était officiellement dissoute, point final de la dislocation des régimes communistes en Europe de l’Est et dans une partie de l’Asie centrale. À l’occasion de ce trentième anniversaire, RFI vous propose une série de portraits de jeunes ayant grandi dans l’espace post-soviétique. Quelles sont leurs aspirations ? Que gardent-ils de l’héritage de cette période ? Rencontre avec Vladimir Vladimirovitch Téléguine, 26 ans, responsable de la branche jeune de Russie unie de la région de Nijni Novgorod.
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De notre correspondante à Moscou,
Qui sont ses modèles ? Pour cet engagé dès ses 14 ans au sein du parti au pouvoir Russie unie, le président Vladimir Poutine évidemment. Mais avant lui, Vladimir Vladimirovitch Téléguine cite son père, liquidateur volontaire de la centrale de Tchernobyl, après son explosion en 1986. « Il m’a raconté comment ça s’est passé », expose-t-il derrière son bureau dans un quartier calme et légèrement excentré de Nijni Novgorod.
« Leur supérieur, un militaire, est venu, et il leur a dit ''vous pouvez refuser, ne pas participer à la liquidation… mais vous n’êtes pas des lâches n’est-ce pas ?'' Des gens ont dit non. Mais mon père, lui, il n’a pas réfléchi longtemps, et il y est allé. J’en suis vraiment fier, parce que c’est une décision courageuse. C’était nécessaire, et notamment pour préserver l’humanité ».
Une naissance miraculeuse
Cette décision qu’il voit comme celle « avant tout d’un patriote », a eu des conséquences lourdes : parce que son père a été irradié, Vladimir Vladimirovitch Téléguine est aujourd’hui un enfant unique, dont la naissance dans la petite ville de Bor, à côté de Nijni Novgorod, reste « un miracle », dit-il.
De sa petite enfance à la fin des années 1990 après l’explosion de l’URSS, « le moment de la dissolution du pays et la formation d’un nouveau où on essayait de vivre », ce jeune avocat garde peu de souvenirs. Il en connaît pour l’essentiel ce qu’on lui en a raconté : une époque dure, marquée par le manque. « L’argent avait perdu toute valeur, les gens vivaient avec le troc : on échangeait tout ce que l’on pouvait échanger. La seule monnaie stable, c’était une bouteille de vodka. Pas parce que l’on buvait, mais parce qu’elle avait une valeur déterminée, et qu’elle se baladait d’une famille à l’autre comme une unité monétaire ».
De son engagement et de sa première participation à des élections au début des années 2000 [Vladimir Poutine a été élu président pour la première fois le 26 mars 2000 dès le 1er tour, NDLR], Vladimir Vladimirovitch Téléguine dit : « Nous estimions que l’époque soviétique était loin derrière nous, et que l’on n’avait aucune envie d’y revenir. Russie unie était pour moi un parti récent, avec des personnes jeunes et ambitieuses, le parti chef de file vers le développement du pays, et c’était nouveau, intéressant, c’était une sorte de moteur du progrès ». À 26 ans, il consacre presque tout son temps libre, le soir, les week-ends, « bénévolement », insiste-t-il, au mouvement jeune de Russie unie, « une sorte de start-up politique ».
Critique
Quant à cette partie de la jeunesse russe qui aujourd’hui s’inquiète du tournant pris par le pays, le quitte ou pense au départ, cet avocat qui pense à devenir juge plus tard, balaie leurs arguments d’un revers de la main : « Il y a ceux qui estiment qu’il est nécessaire de critiquer, et ceux qui estiment nécessaire d’aider et de changer. Mon expérience personnelle me montre que, quand j’ai affaire à des gens qui critiquent, ce sont des gens qui n’ont pas beaucoup de succès dans leur vie. »
Avant d’ajouter : « ceux qui évoquent un départ ne savent pas de quoi ils parlent exactement. Quand on dit que l’on n’aime pas la Russie et que l’on veut partir d’ici, c’est qu’on pense que l’herbe est plus verte ailleurs. À ceux-là je dis toujours la même chose : dans n’importe quel pays où vous irez, vous ne serez jamais que des migrants.»
Car, pays voisins ou plus éloignés, c’est pour lui presque la même chose. « Le président le dit : nous n’avons pas d’amis, mais nous avons des partenaires. Nous avons simplement des intérêts que tel ou tel pays représente. Ce sont des intérêts économiques, commerciaux… S’il s’agit de la Chine, c’est le commerce, s’il s’agit de la Turquie, c’est le tourisme… Pour les Russes, en particulier, c’était difficile de surmonter l’époque où les frontières avec certains pays étaient fermées à cause du Covid, de la situation politique, ou des conflits récents avec la Turquie. Mais il s’agit juste d’une question d’intérêts. »
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